Avoir 20 ans en 1935

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Alphonse Riband

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Alphonse Riband en avril 2001

 

 

Ce livre est l’histoire de ma vie. Les noms, personnages, lieux et événements ont réellement existé.

 

Il relate mes souvenirs depuis ma naissance en 1915 aux années 1960.

 

Un cahier central regroupe des photos et des documents concernant ma vie. Il reprend également pour une meilleure lisibilité ceux déjà incorporés dans le texte. Il regroupe aussi des renseignements sur les villes, les lieux où j’ai soit habité soit séjourné ou qui d’une façon ou d’une autre ont marqué à un moment ou à un autre mon existence.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Pour mon fils Alain

                      et

ma fille Annie

 

Pour mes petits-enfants Sébastien

Guillaume et Thomas

 

Pour la joie et le bonheur

qu’ils m’ont apportés

 

 

A mon gendre François

Pour la mise en forme du texte


1. Ma naissance

 

 

 

 

Mes parents se sont mariés le 28 mai 1910 à La Frette une petite commune de l'Isère.

 

Extrait du livret de famille de mes parents

Quant à moi je suis né le 23 septembre 1915 comme le témoigne l’extrait de naissance ci-dessous, à Pont de Claix Isère.

 

 

En 1915 la France était en guerre contre l’Allemagne, et tous les hommes valides étaient mobilisés. Mon père n’avait pas échappé pas à cette règle et il avait été affecté au 2ème régiment d’artillerie à Grenoble. Au début de l’année 1915 mon père avait eu un panaris et avait de ce fait obtenu quelques jours de permission…. et c’est pour cette raison que je suis né neuf mois plus tard. Enfin je le suppose !

 

J’étais le troisième enfant. Deux garçons (Albert né en1911 et Gaston né en 1913) m’avaient précédé. Par la suite la famille vint s’agrandir par la naissance d’un quatrième enfant, une fille (Juliette née en 1917).

 

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2. Mon enfance

1915-1929

 

 

 

 

J’ai été un gosse curieux de tout et toujours à l’écoute des plus grands. Pour autant cette curiosité ne s’est pas trop manifestée en milieu scolaire et l’école n’a jamais été mon fort. Vous vous rendrez compte en lisant ces mémoires que je fais beaucoup de fautes d’orthographe (je les ai corrigées, enfin je l’espère. François).

 

De mon enfance je me souviens que je faisais beaucoup de bêtises. L’histoire suivante me revient à la mémoire. Lorsque j’avais quatre ans nous habitions dans des cités ouvrières (à l’époque le patronat logeait leurs ouvriers dans des cités) à Pont de Claix, derrière la gare du tramway. Tous les matins, un jeune prêtre arrivait de Grenoble par le tramway, dans sa tenue d’ecclésiastique avec un grand chapeau. Je me demandais bien quel métier il pouvait exercer aussi ai-je posé la question à un grand garçon d’environ dix ou douze ans. Ce dernier me dit : « Demain tu lui fais croâ-croâ et tu sauras quel métier il fait. »

Le lendemain après avoir lancé un croâ-croâ retentissant dans sa direction, j’ai vu le prêtre me courir après et je me suis réfugié dans les jupes de ma mère qui a eu droit à une bonne leçon de moral. (C’est peut être cette histoire qui a déclenché l’anticléricalisme de papé. François )

 

En 1920 nous avons quitté Pont de Claix pour habiter dans une vieille ferme en location à Bouquéron un hameau de Corenc sur les contreforts du Saint Eynard.

 

Nous allions avec mes frères à l’école communale de la Tronche. Il n’y avait pas comme à l’heure actuelle de transport scolaire, aussi faisions-nous le trajet d’environ trois kilomètres à pied.

 

Je me souviens que nous étions une bande de cinq ou six gamins. J’étais le plus petit et je faisais forcément toutes les sottises que les plus grands me disaient de faire. Je vais raconter quelques histoires vécues sur le chemin de l’école.

 

Pour aller à l’école nous empruntions la route du col de Porte (Col de la Chartreuse -1326m- relie Grenoble à Saint Laurent du Pont) qui part de la Tronche. A la Tronche il y avait pas mal de rentiers, car le climat y est plutôt doux. Au départ de la route, tous les jours une rentière se promenait nous disant que nous n'avions pas été sages à l’école. Aussi un jour les plus grands me disent demain tu lui diras :

 « Tu n’as qu’à manger de la merde et des pois, c’est bien bon pour toi. »

Le lendemain je lui dis cette phrase. Depuis chaque fois que nous la croisions, elle tournait la tête de l’autre côté.

 

En haut de la ligne droite à l’angle de la route qui allait à la Bastille il y avait une maison avec un petit bassin et une source. A l’époque la route du col de Porte n’était pas goudronnée. Les premiers cars touristiques de la maison Traffort qui faisaient les circuits de la Chartreuse et qui empruntaient cette route dégageaient pas mal de poussière. Au moment où ils arrivaient à la hauteur de la source, nous mettions la main sous la fontaine pour envoyer une douche d’eau froide sur les voyageurs. En effet lorsqu’il faisait beau les capots étaient rabattus. Le car freinait mais nous avions le temps de nous sauver.

 

Un peu plus haut il y avait une villa avec deux filles d’une dizaine d’années qui allaient à  « l’école des curés ». Alors nous nous adressions des insultes. Leur père avait une grande barbe aussi nous l’appelions Landru. (tueur en série 1869-1922. Accusé de 11 assassinats, il fut guillotiné) Il avait une pension de chiens. Un jour les plus grands pour s’amuser traînèrent sur la route une boîte de conserve avec un bâton pour faire gueuler les chiens. Je faisais comme eux mais j’étais à la traîne comme toujours. Landru est sorti, et s’est caché derrière le pilier du portail. Quand je suis arrivé j’ai pris un coup de pied au derrière qui m’a envoyé au moins à cinq ou six mètres.

 

Toujours plus haut en continuant à monter, il y avait une grande maison bourgeoise située en contrebas de la route de quatre à cinq mètres. Quand les fenêtres étaient ouvertes les grands faisaient pipi depuis la route sur le parquet ciré. Moi je faisais comme eux mais je n’avais pas la puissance pour atteindre le but.

 

Mon frère aîné « l’intellectuel de la famille » partait devant pour apprendre ses leçons et faire ses devoirs et arrivait le premier à la maison. Le deuxième était beaucoup plus sage que moi aussi il ne traînait pas en route. Enfin j’arrivais à la maison bon dernier.

 

Je me souviens d’un copain nommé Vervaine qui habitait dans une ferme un peu en contrebas de chez nous. A cette époque les coteaux de Corenc étaient couverts de vignes et à l’automne nous faisions les vendanges. Dans la ferme où habitait Vervaine, il y avait un pressoir avec un grand volant. Comme j’étais trop petit, pour parvenir à attraper le volant et pouvoir presser le raisin, il fallait que je me mette sur la pointe des pieds. Les plus grands ont alors tourné le volant ce qui m’a obligé pour l’atteindre de me mettre au-dessus de la benne de vin blanc doux et…. je suis tombé. Quand je suis rentré à la maison ma mère ne savait pas par quel bout me prendre. Je collais de la tête aux pieds.

 

Mon frère aîné avait réussi son certificat d’études et il est allé à l’école Vaucanson. (Jacques de Vaucanson 1709-1782 mécanicien né à Grenoble, créateur d’automates)

 

Cet automne là je me suis cassé la jambe gauche. Nous étions allés dans la plaine pour faire les vendanges. Comme je devais à mon habitude faire le guignol sur la charrette je suis tombé. Ma jambe gauche est alors passée dans les rayons de la roue arrière. La pointe du pied était passée à la place du talon. Je ne suis pas allé à l’hôpital, car mon père était ouvrier plombier zingueur et il n’y avait pas à cette époque de sécurité sociale. Pour me soigner le docteur de la Tronche a fait venir un chirurgien de Grenoble. Dans un petit lit en fer il a fait faire un système avec une tringle et une bobine. Il m’a fait mettre deux grandes lattes de bois de chaque côté de la jambe qui tenaient avec un large sparadrap et enfin deux petites lattes au bout vers les pieds. Puis on a commencé à mettre ma jambe en extension. D’abord avec une masse de un kilogramme, puis en mettant un peu plus tous les deux ou trois jours. Quand mon père est allé payer le chirurgien, je ne me rappelle pas combien cela faisait. En tout cas sûrement beaucoup plus que sa paye aussi le chirurgien a dû faire un prix. Mais il ne devait certainement pas rester d’argent pour finir la semaine.

 

Ensuite j’ai quitté l’école de La Tronche pour aller à celle de Corenc. C’était une classe unique tous niveaux. L’institutrice s’appelait Madame Planchon. Elle avait sept enfants, six filles et un garçon qui s’appelait Jeannot. Son mari était employé au PLM. (Paris Lyon Marseille Société allant devenir la SNCF). Madame Planchon nous rappelait à l’ordre de son bureau avec un grand bambou. Je n’avais pas de chance de me trouver à côté de son fils car la distribution était plutôt généreuse. Je devais être toujours aussi garnement. Un jour d’automne un alambic avait été installé vers la maison. Avec un copain une heure avant l’école, pendant que l’employé était absent, nous avons bu un coup de la gnole qui coulait encore un peu chaude. Cette après-midi là, nous devions être certainement un peu plus agités que d’habitude car nous avons eu droit à une bonne distribution de bambou.

 

Afin de se rapprocher de l’école Vaucanson qui avait déménagée de la rue Auclin à Grenoble pour s’installer dans l’ancien séminaire du Rondeau que la ville de Grenoble avait acheté, mes parents ont quitté Bouquéron en 1925 pour la Cité des Jardins. Cette cité était composée de petites maisons que la ville de Grenoble avait fait construire. Il y avait beaucoup de gosses, donc plus de copains pour faire un encore un peu plus de bêtises.

 

A l’école où j’allais, rue Sidi-Brahim les classes étaient surchargées, aussi l’année suivante des classes supplémentaires furent aménagées dans l’enceinte de l’école Vaucanson.

 

En 1925, la ville de Grenoble avait organisé une exposition sur un terrain très marécageux. En effet le Drac qui alimentait les fossés des remparts entourant Grenoble se jetait dans ce terrain. Un jour l’école nous a conduit à l’exposition pour voir passer le président Gaston Doumergue (1863-1937 Président du Conseil et de la République). Comme disait mon grand-père « il a un drôle de nom ce Gaston Douze-Merde ».

 

A l’occasion de cette exposition une tour avait été érigée sur ce terrain et une polémique naquit à propos de cette tour. Certaines personnes prétendaient qu’une telle tour sur un terrain marécageux ne tiendrait pas. Cette tour existe toujours sur ce terrain qui est devenu le parc Paul Mistral.

 

Quand j’ai eu quatorze ans en septembre 1929, mes parents m’ont trouvé du travail dans une droguerie place Championnet à Grenoble. Je faisais pas mal de courses dans la ville soit en vélo ou avec une remorque. Ce n’était pas comme actuellement ou tout est conditionné. Là il fallait tout préparer, l’eau de Javel, l’acide, la lessive….tout était en vrac.

 

Je devais avoir environ dix-sept ans j’étais dans l’arrière boutique. Je versais du potassium dans une bouteille quand une jolie fille est entrée. J’ai arrêté et j’ai regardé (Hé bien Papé !). Quand j’ai repris mon travail j’ai pris de l’acide sulfurique par erreur, l’entonnoir en verre a sauté au plafond, il s’est dégagé un gaz et il a fallu évacuer le magasin. Je m’étais brûlé un peu la main, et j’avais inhalé une bonne dose de gaz. J’ai mis deux jours à récupérer.

 

En 1929, il se racontait une histoire comme quoi une dame de la haute bourgeoisie grenobloise avait pour amant le consul d’Italie. Quand le patron en parlait avec le peintre qui réparait la chambre de l’hôtel Majestic où avaient lieu les ébats, pour que je ne puisse pas entendre il me faisait passer dans l’arrière boutique. Dans le magasin contre la cloison de l’arrière boutique il y avait une grande armoire avec des tiroirs, aussi j’en laissais toujours quelques uns entre ouverts pour que je puisse entendre un peu.

 

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3.  Le service militaire

1936-1939

 

 

 

 

Au mois de mars 1936 j’ai passé le conseil de révision. Cela se passait comme du temps de Napoléon, dans une grande salle de la préfecture. Au fond de la salle il y avait une table derrière laquelle se tenaient le préfet en grande tenue et des officiers de l’armée.


     


Nous passions par groupe de trente en tenue d’Adam. Les gendarmes nous mesuraient, nous pesaient et à la fin un docteur militaire nous examinait en gros et nous déclarait bon pour le service. Comme en Allemagne Hitler était au pouvoir depuis 1933 et que nous faisions partis de la classe creuse, nous en prenions pour deux ans.

 

Bon pour les filles!


Durant l’été 1936 il y eut la grève générale, et les ouvriers obtinrent les congés payés. (Accords de Matignon des 7-8 juin : semaine de 40 heures, deux semaines de congés payés, droits syndicaux, conventions collectives). Quant à moi je suis parti au régiment le 15 octobre 1936. Cela a été mes premiers congés payés.


J’ai été affecté au 22ème régiment de tirailleur à Toul.

 

   

Papé en grande tenue

 
 

 

La ville de Toul comprenait douze mille habitants et douze régiments. Il y avait encore tous les remparts autour de la ville. A l’extérieur il y avait beaucoup de casernes, un arsenal et pas mal de centres de recrutement. Presque toute la population travaillait pour l’armée.

 

Le 22ème régiment de tirailleur était composé de trois bataillons, une compagnie régimentaire, une compagnie hors rang, un peloton et une section pionnier. Les recrues formaient une compagnie d’instruction pendant les trois mois de classe.

 

Ensuite nous étions répartis dans différentes compagnies. La compagnie d’instruction comprenait un lieutenant, plusieurs sous-officiers, et un caporal. Nous avions deux sergents chefs.

Le premier était lorrain et nous a déclaré :

« J’ai été bleu j’en ai chié. Je vous en ferai chier, vous avez ma parole. »

Le deuxième était corse et nous a dit :

« Autant je suis bon, autant je suis mauvais ! »

Le problème c’est que je ne l’ai jamais vu bon.

 

Dans les premiers jours de notre incorporation, on nous a demandé d’écrire en cinq lignes nos impressions sur l’armée. Je ne pouvais pas dire qu’à dix ans je gardais les vaches sur le plateau de Champagnier. Alors j’ai dit que l’armée c’était très bien que les gradés étaient des pères de famille. Aussi le lieutenant m’a fait appeler et m’a demandé si je pensais réellement ce que j’avais écrit. Je lui ai répondu qu’il fallait bien que je dise quelque chose.

 

A la fin des classes j’ai été affecté dans la compagnie hors rang pour m’occuper des munitions. Il y avait deux poudrières dans la caserne, une pour les exercices, une pour les réserves de guerre. Je dépendais du bureau de l’armement, dans lequel il y avait outre les munitions, le matériel d’armurerie et le matériel d’harnachement pour les équipages. C’était une place que beaucoup ne voulait pas car il fallait se lever tous les jours à trois ou quatre heures du matin pour distribuer les munitions à la compagnie qui partait en exercice. Chaque compagnie avait un local pour son matériel, mais il ne devait pas stocker de munitions, il devait les prendre à la poudrière et les rendre à leur retour.

 

Cette mesure avait été prise parce qu'au printemps 1936 un tirailleur algérien (A l’époque l’Algérie était française et les Algériens faisaient leur service militaire comme tous bons français) avait chargé tous les fusils de sa chambre et avait tiré depuis sa fenêtre dans la cour de la caserne sur les militaires. Cet incident avait eu lieu pendant la présentation des nouveaux arrivants et des nouveaux gradés au colonel. Le capitaine Mangin et deux tirailleurs avaient été tués au cours de cette fusillade. C’est pour cela que les copains n’aimaient pas ce poste. Moi cela m’était égal et je n’avais pas beaucoup de sommeil. Aussi comme j’étais levé de bonne heure je leur faisais des niches (Farces jouées à quelqu’un). Aussi avais-je plusieurs surnoms Cartouche, gangster, cagoulard.

 

 

 

La vie dans la chambrée

 

Quand il y avait des manœuvres à Mourmelon ou à Suippes j’étais obligé de suivre. Il y avait aussi un petit camp de manœuvre à quinze kilomètres de Toul. Il s’appelait Bois l’Evêque on y recevait les réservistes qui venaient faire leur période. En juillet 1937 nous avons eu des parisiens comme réservistes. Le dernier jour nous avons arrosé leur départ. Nous sommes allés au premier petit bled qui s’appelait Marron. Nous avons bu du gros rouge d’Algérie aussi le lendemain j’ai eu mal à la tête, et j’ai eu beaucoup de peine à ranger les fusils Lebel dans leurs casiers.

 

Le lendemain un copain qui était secrétaire du colon et qui s’occupait du mess des officiers m’a demandé de l’accompagner à l’invitation, du patron qui fournissait le mess à manger la petite friture à Chaudeney un village à une dizaine de kilomètres de Toul. Nous avons bu pas mal de rosé mais pas trop tout de même, car j’avais encore les souvenirs de la veille. Quand il a fallu rentrer à la caserne aux environs de minuit le copain avait un peu les jambes en accordéon mais il a bien fallu faire les dix kilomètres. Je lui ai donné le bras pour l’aider. Nous avons marché le long du chemin de halage au bord de la Moselle. A un moment, juste à l’endroit où la Moselle faisait une courbe  mon copain a voulu à tout prix que je le lâche. Un coup il est passé à droite, un coup il est passé à gauche. S’il était tombé à l’eau je ne sais pas ce que j’aurais pu faire.  Il restait la route de Toul à Vaucouleurs à traverser et un grand pré à monter. Arrivés à la route, j’aperçus deux lanternes à cinquante centimètres du sol. C’était les lanternes des gendarmes qui étaient fixées sur la fourche avant de leurs vélos. La nuit était noire, je couche le copain dans le fossé et lui ai mis la main sur la bouche pour le faire taire. Voilà que nos deux gendarmes s’arrêtent pour rouler une cigarette. Quand ils ont repris la route le copain s’était endormi et j’ai eu toutes les peines du monde à le réveiller. Quand nous sommes arrivés au pré il y avait les fils de fer barbelés à passer. Je les ai écartés avec le pied et j’ai balancé le copain. Il est tombé sur une vache. (les éléphants roses ne sont pas très loin-François) Nous sommes quand même arrivés à la caserne. Il n’était pas possible de faire le mur mais il y avait des copains chargés de pomper l’eau pour alimenter la caserne qui avaient les clés de la porte.  Alors je les ai réveillés pour rentrer.

 

Nous faisions également beaucoup de bêtises, des conneries avec les Algériens. Seulement quand il y avait la fête des musulmans on les remplaçait aux corvées.

 

Un dimanche l’adjudant qui avait en charge l’instruction des officiers de réserve voulut faire une démonstration de tir et avait chargé le caporal chef de la section Pionnier un dénommé Thibaut de cette corvée. Ce caporal avait treize ans de service. Il avait été sergent puis cassé et rétrogradé deuxième classe. C’était un cas !

J’avais un bon pour retirer deux pétards de cavalerie.

« Si tu peux en prendre un peu plus me dit-il.

- D’accord je sais comment faire pour maquiller le bon, lui répondis-je. »

Et nous voilà partis avec trois ou quatre gars pour cette corvée de tir avec une camionnette du 126ème train auto pour un petit bled entre Neuf Château et Vittel. Le responsable du groupe d’officiers habitait un petit château. Pour la démonstration nous devions faire une mine. Il nous demande si nous pouvons faire sauter un tronc d’arbre qui avait été coupé. Nous avons alors creusé sous le tronc et nous avons disposé, les six pétards que j’avais pu prendre au fond du trou. Le caporal chef est allé se protéger derrière un arbre. Quand les explosifs ont sauté, il y a eu une belle gerbe de feu, de terre et de bois, quelques vitres cassées, et les officiers qui se tenaient un peu plus loin ont reçu de la terre et des bouts de racine. A la place du tronc il y avait un énorme trou en forme d’entonnoir. L’adjudant me demanda :

« Combien avez-vous mis de pétards ?

- Deux mon adjudant, je lui répondis

Alors il nous répliqua :

- Vous voyez la puissance de ces explosifs ! ! »

 

Avec tout çà les deux ans finissaient par passer leur petit bonhomme de chemin. Au mois de septembre 1938, j’avais une vingtaine de jours de permission à prendre, mais je suis parti en manœuvre du côté de Bar Le Duc. Le sergent chef m’a dit que je prendrais mes permissions au retour, car nous devions être libérés le 30 septembre.

Les manœuvres n’ont duré trois ou quatre jours car il y avait des rumeurs de guerre avec l’Allemagne et elles ont été annulées. Nous sommes rentrés à la caserne et une partie du régiment est parti sur la frontière.

 

Ensuite il y a eu la réunion de Munich et nous avons été libérés le 15 octobre 1938. Mes vingt jours de permission me sont passés sous le nez.

 

Je suis rentré à Grenoble et je suis resté sans travail jusqu’au 21 mars 1939 date à laquelle j’ai été rappelé comme disponible pour une période de vingt et un jours. Mais les vingt et un jours sont passés et nous avons été gardés jusqu’à ……la guerre.

 

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4.  La guerre

1939-1940

 

 

 

 

On m’avait réintégré à Toul toujours dans les munitions.

 

Un jour le lieutenant m’a dit que j’étais proposé pour être première classe. Je lui ai dis que c’était la quille que je voulais. Je n’ai jamais été premier jus.

 

Le jour de l’Ascension 1939, l’Italie occupa l’Albanie. Comme nous avions nos vêtements civils nous avons fait le mur pour aller danser au bal qui se trouvait à neuf kilomètres de Toul dans une grange. Quand nous sommes rentrés nous avons rasé le mur pour nous mettre en tenue militaire car nous n’avions pas le droit de revêtir la tenue bourgeoise comme disait le règlement.

 

Le 2 septembre 1939 l’Allemagne occupa la Pologne et la France et l’Angleterre ont déclaré la guerre à l’Allemagne.

 

D’après le plan de mobilisation une partie du régiment est allée sur les positions de l’Est avec pas mal de réservistes qui avaient été rappelés. Le reste du régiment est allé rejoindre le dépôt au camp d’Avord près de Bourges.

 

Quant à moi, après avoir donné les munitions au régiment on m’a dit de rester à la caserne que je serais affecté à la 24ème compagnie de passage. Cette 24ème compagnie de passage était composé d’hommes plus âgés. Ils étaient tous habillés en tenue bleue horizon avec calotte. Moi j’étais toujours en tenue kaki avec ma chichia.

Je suis bien resté dix à quinze jours. Je mangeais, j’étais seul dans la grande chambre. Personne ne me demandait ce que je faisais là. Le jour de la paye, tout le monde a touché les dix sous par jour plus les cinq paquets de cigarettes… sauf moi.

Je suis allé voir le chef comptable pour toucher aussi ma paye. Il me dit :

« Je ne vous connais pas, vous ne faites pas parti des effectifs je vais en parler au capitaine.

Ce dernier me fait appeler et me dit :

- Je vous connais, mais qu’est que je vais faire de vous.

Je lui réponds :

- Si personne ne veut de moi, faîtes un ordre de mission pour me renvoyer dans mes foyers. »

Il me répondit qu’en temps de guerre il ne pouvait pas et qu’il allait réfléchir.

 

Le lendemain le chef comptable me validait un ordre de route pour rejoindre le camp d’Avord près de Bourges avec tout mon barda. J’ai mis cinq jours pour rejoindre ce camp où j’ai retrouvé les copains. Le sergent chef qui s’occupait des munitions m’a récupéré et j’ai repris les fonctions que j’avais à Toul.

 

Dans ce dépôt des Tirailleurs Algériens c’était un de ces bordels !!!!

 

Je vois toujours le lieutenant qui s’occupait de la réquisition des voitures et des chevaux. Dans le civil il était banquier à Bourges. Comme il connaissait tous les gens du coin il ne réquisitionnait que leurs vieilles voitures qui dans le camp ne formaient qu’un immense tas de ferraille. Pour les chevaux les paysans devaient les amener avec leur harnachement et deux jours de fourrage. Mais les chevaux étaient livrés sans harnachement et sans nourriture, aussi la moitié a fini par crever.

Le capitaine qui commandait le service administratif avait dû reprendre du service. Il était vieux et il avait encore un képi de l’armée d’avant la guerre de 14.

 

Le sergent chef comptable qui était boucher, était très gros et avait de l’asthme. Quand il était obligé de bouger, il soufflait comme un bœuf.

 

Avec les copains nous avons été répartis dans différents services. Suivant notre affectation nous ne pouvions pas être à la soupe à la même heure aussi le capitaine nous appelait les tocards car il n’a jamais su combien nous étions.

 

Pour être tranquille nous avions mis une serrure au baraquement, comme cela personne ne venait nous emmerder.

 

Tout cela a duré jusqu’en décembre 1939.

 

Un jour nous avons été désignés pour aller à Nevers où nous ne sommes restés qu’une seule journée. Le lendemain un colonel un peu gâteux nous a rassemblés au rapport pour nous dire que nous prenions le train pour Dunkerque et qu’il espérait que nous serions des héros comme l’avait été Guynemer. (Guynemer Georges 1894-1917 aviateur français héros de la première guerre)

 

Comme de bien entendu le voyage a duré cinq à six jours. Dès notre arrivée à Dunkerque nous avons été répartis dans différentes batteries de DCA (Défense Contre l’Aviation). Il y avait des batteries dans les dunes et dans les forts des environs de Dunkerque. J’ai été affecté dans la Batterie du 406ème régiment de DCA au fort de Petite Synthe à environ sept kilomètres de Dunkerque.

 

De tirailleur j’étais devenu artilleur (Sacré promotion. Un ancien artilleur du 93ème RAM-François). Alors de début décembre 1939 à février 1940 nous avons reçu une instruction sur les canons de la DCA. C’était des canons de 75 de campagne montés sur une fosse. Il y avait une plate-forme sur laquelle pivotait le canon. Ce n’était pas très moderne. Au début février j’ai été nommé brigadier. Moi qui n’avais pas pu être première classe dans la biffe, je me retrouvais brigadier dans l’artillerie.

 

Comme de juste le lendemain j’ai été chef de poste à l’entrée du fort. On me dit que des prisonniers « des militaires français » allaient venir au fort car il n’y avait pas de prisons dans les batteries des dunes. Quand ils sont arrivés on aurait dit que c’était de véritables criminels. Je leur demandai ce qu’il avait fait. Un des gars était allé voir sa femme jusqu’à vingt deux heures et avait pris quinze jours de prison. Un autre avait passé la nuit avec sa femme et il n’avait pris que huit jours. Le soir ils m’ont demandé s’ils pouvaient aller dans un petit bistro qui était à environ deux cent mètres du poste. Je leur dis qu’ils pouvaient y aller et comme j’avais sommeil, je leur dis que la clé de la prison était au clou sur la porte que j’allais dormir. Je n’ai pas eu de chance car quand ils sont revenus du bistro vers minuit, et qu’ils ouvraient la prison pour aller dormir, ils sont tombés sur le lieutenant qui faisait sa ronde. J’ai pris un bon savon et deux jours après j’ai été désigné pour rejoindre toujours avec mon barda le centre de DCA à Chartres.

 

A Chartres la caserne se trouvait dans la ville mais nous étions cantonnés dans une vieille ferme des environs. Nous étions de six mille à sept mille hommes.

 

Tous les jours nous nous retrouvions vers onze heures pour le rapport, ensuite on nous servait la soupe. Quand nous étions tous rassemblés pour le rapport l’adjudant chef était obligé de gueuler comme une bourrique pour se faire entendre. Comme il y avait la cuisine il y avait pas mal de chiens errants qui passaient dans les rangs. Les gars leur donnaient des coups de pieds. C’était un ce ces bordels ! En attendant pas grand chose de nouveau.

 

Vers le 20 février 1940 nous avons été rassemblés dans la caserne. Nous avions reçu des camions 3,5 T ainsi que des camionnettes et nous avons formé la 190ème batterie du 403ème Régiment de DCA.

 

J’avais été affecté comme chauffeur d’un camion. Comme je ne savais pas conduire, je suis allé voir l’adjudant Gilbert qui me dit que j’étais un drôle de brigadier car un brigadier devait avoir son permis. Je lui ai dit que j’étais un brigadier d’occasion que j’avais été formé en deux mois. Alors il m’a affecté comme brigadier d’ordinaire. J’avais deux camionnettes. La première pour faire le ravitaillement et la deuxième qui avait été équipée de matériels pour faire la cuisine. J’avais deux chauffeurs.

 

Mon chef cuisinier était un ancien qui avait fait son service dans le fameux bataillon d’Afrique. Mon cuisinier, un sergent était un gars qui venait d’être acquitté par la cours d’assises de Paris. Il parait qu’il avait tué un gars au cours d’une bagarre. Un autre qui était d’origine espagnole avait plus de 42 ans. Il aurait dû être dans la deuxième réserve en plus il était sourd comme un pot. Quand nous parlions et qu’il n’entendait pas il nous engueulait car il croyait que nous disions du mal de lui. Pour faire la plonge j’avais un ancien légionnaire qui était un peu abruti. C’était une drôle de batterie dans laquelle il y avait pas mal d’anciens marins qui sortaient de la centrale de Caleria en Corse.

 

Deux jours après avoir été équipés, nous avons embarqué un soir à la gare de Chartres sans que l’on nous dise quoi que ce soit. Au petit matin nous sommes rentrés à la caserne. Là nous avons appris que nous devions aller en Finlande, mais que la Finlande venait de signer l’armistice avec les Russes.

 

Deux ou trois jours plus tard nous sommes partis pour les écoles à feu à Suippes. Nous sommes montés par la route en deux jours. Le soir nous avons cantonné dans un petit village. Ce soir là une fois la soupe prête mon chef cuisinier qui n’avait pas dû résister au tonneau de pinard, en ouvrant le chaudron de soupe a eu un renvoi dans la soupe. Le second me demanda alors ce que l’on allait faire. Je lui dis que l’on ne pouvait pas refaire une soupe car le capitaine était dingue. En effet si quelque chose n’allait pas il savait juste dire « conseil de guerre ». Par ailleurs il n’avait aucune moralité. Quand il avait su que nous partions, il avait voulu violer la fille âgée de seize ans de sa logeuse. Elle lui avait griffé la figure pour se défendre. Alors nous avons brassé la soupe et nous l’avons servie comme cela. Elle devait être bonne car beaucoup sont revenus au rab. Nous avons passé huit jours à l’école à feu à Suippes.

 

Ensuite nous avons pris position vers Foug sur une butte dominant la voie ferrée du chemin de fer Paris Strasbourg et le canal de la Marne au Rhin. De cette position je partais tous les jours au ravitaillement. Je me débrouillais pas mal avec les gars de l’intendance. Je leur donnais du café que j’avais en rab pour être mieux servi surtout que dans la division nous avions un régiment de polonais commandé par un adjudant qui voulait toujours être servi en premier. Il avait une petite baguette comme les officiers. Lui et les gars qui l’accompagnaient avaient tous la boule à zéro. Les gars de l’intendance me disaient d’attendre on va servir ce con, comme cela tu pourras choisir.  Pour la viande nous avions droit soit à une épaule avant soit un quartier arrière ce qui était beaucoup plus avantageux. Alors j’avais toujours un quartier arrière. Ils me disaient les polaks ils n’ont qu’a manger les os.

 

En plus des rations le chef comptable touchait deux francs par jour pour les casse-croûte. Il était de la Vendée et il aimait bien la bonne chère. Il m’avait dit qu’il ne fallait pas mettre de l’eau dans le vin et quand il aurait un peu d’argent nous pourrions acheter un tonneau de vin.

 

Nous sommes restés là jusqu’au mois de mai 1940.

 

 

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5.  La déroute

1940

 

 

 

 

Quand les Allemands ont commencé à envahir la France, le capitaine était à l’état major à Toul. Le lieutenant avait eu pour mission de partir comme chef de troupe avec deux camions. Nous ne l’avons jamais revu. Le capitaine a téléphoné à l’aspirant un jeune de 23 ans qu’il fallait se replier sur la Loire. Alors nous avons plié bagages et pris la route avec les réfugiés.

 

C’était l’exode, la déroute. A environ 50 kilomètres de Toul nous avons été bombardés dans un pays qui s’appelait Soulosse. Avec un copain, nous étions dans la grange d’une ferme abandonnée. Nous avons cru que la maison allait nous tomber sur la tête. Nous sommes sortis couverts de poussière. Des gars en civil qui s’étaient couchés dans le fossé le long de la route ont reçu des bombes. Il y a eu plusieurs morts civils et militaires. A la batterie nous avons eu un mort et deux ou trois blessés.

 

Comme le capitaine avait une petite voiture Simca 8 il est parti seul. Alors l’aspirant est monté dans ma camionnette de ravitaillement. Nous sommes descendus jusqu’à Langres. Il y avait des militaires de la sécurité routière qui faisaient la circulation. Nous avons fait deux ou trois fois le tour de la ville. Quand l’aspirant s’en est rendu compte il nous a fait prendre les chemins de traverse. Ensuite nous avons pris la route en direction de Dijon. Quand dans la débandade il voyait des civils qui circulaient en voiture parmi les réfugiés à pied, il leur disait :

« Vous aviez peur du Front Populaire et aujourd’hui vous avez peur des allemands.»

 

Quelques kilomètres avant Dijon, des militaires des régiments régionaux nous ont arrêtés pour nous demander des munitions. Ils avaient des fusils mais pas de cartouches. Nous, nous avions des cartouches de 7.5 mm mais leurs fusils étaient des « Lebel » 8 mm. L’aspirant leur dit qu’il fallait mieux foutre le camp, qu’ils allaient se faire tuer pour rien. Comme ils n’ont pas voulu partir, nous leur avons donné une caisse de cartouche de 7.5 mm qui ne leur servait à rien. A Dijon nous avons appris que l’Italie nous déclarait la guerre. Ensuite nous avons traversé la Loire mais les allemands l’avaient déjà franchie à plusieurs endroits. Nous sommes descendus sur Moulins. Nous sommes allés vers un dépôt de carburant, mais ils n’ont pas voulu nous donner d’essence. Dès que nous sommes sortis de la ville, ils ont fait sauter le dépôt.

 

Nous sommes descendus sur Riom il y avait pas mal de réfugiés civils, des femmes avec des bébés. Nous avons fait coucher les femmes et bébés dans les camions. Il y avait le garde-mite (magasin) qui ne voulait personne dans son camion. J’ai voulu lui faire comprendre, mais il ne voulait rien savoir, il avait peur pour son matériel. Je lui dis que nous étions foutus alors que son matériel n’avait pas d’importance. A la fin je lui ai mis un coup de poing, j’ai fait monter la femme et les bébés.

 

Le lendemain, nous avons repris la route vers Clermont-Ferrand. A notre surprise nous avons retrouvé notre capitaine. Alors il y eut une grande explication. Un des gars a mis son mousqueton sur le ventre du capitaine. Nous avons calmé le gars.  Nous avons tous refusé de lui obéir et il a de nouveau disparu.

 

Nous avons ensuite fait la traversée des Monts d’Auvergne. Sur la route nous avons été arrêtés par un chauffeur en tenue. Sur le bord de la route il y avait une grosse voiture. Il nous a demandés si nous pouvions lui donner de l’essence. L’aspirant lui dit que nous n’en avions plus. Le chauffeur lui dit qu’il était le chauffeur de M.Laval, l’aspirant lui répondit :

« Nous n’en avons pas pour nous et encore moins pour Monsieur Laval.»

 

Nous avons passé la nuit dans un pays du Massif-Central. Le lendemain nous avons pris la route vers Toulouse. Nous avons cantonné à Campessac aux environs de Toulouse avec quelques gars seulement, ensuite nous sommes allés à Saint Maurin, un petit bled à quinze kilomètres de Valence d’Agen. Là avec deux copains nous nous sommes installés dans une porcherie. Nous étions tranquilles. Nous avions notre chambre particulière. Nous allions au rapport le soir à cinq heures. Les cuisines avaient été regroupées car nous étions plusieurs régiments.

 

Pendant toute la débâcle j’avais une grosse molaire qui me faisait souffrir. Comme j’avais un gros bidon de « monte en ligne » j’en mettais sur ma dent ensuite j’avalais le tout. Les deux litres de gnole on fait trois jours et le tout avec rien dans le ventre. On m’avait dit qu’il y avait un régiment de Dragons qui s’était replié dans un bled à neuf kilomètres et qu’il y avait un dentiste. Alors j’y suis allé. Le dentiste m’a dit qu’il ne pouvait pas me soigner qu’il n’était pas équipé. Il avait une espèce de roulette à pédale. Il m’a fait une piqûre calmante et il m’a arraché la dent. Et j’ai refait les neuf kilomètres du retour.

 

Le chef comptable me dit un jour qu’il avait  reçu des sous pour les jours ou nous n’avions pas eu de ravitaillement, mais qu’il y avait une note de service qui interdisait d’acheter aux paysans. Malgré cela le lendemain il me dit qu’il avait trouvé à acheter un petit cochon. Avec des copains nous sommes allés prendre ce cochon, nous avons payé le paysan et nous nous sommes débrouillés pour le faire cuire à la broche. Nous nous sommes régalés.

 

L’armistice avait été signé mais nous ne voyions toujours pas la quille venir. Il y avait beaucoup de rumeurs qui circulaient. Les cheminots, et les fonctionnaires ont été libérés en premier. Ensuite il se disait qu’on allait libérer jusqu’à la classe 33 et que pour les autres ils seraient versés dans une unité de sécurité. Alors un soir avec les deux copains nous avons siphonné l’essence dans les véhicules pour faire le plein de la camionnette de ravitaillement car nous voulions partir en Espagne pour rejoindre ensuite l’Afrique du Nord.

 

Le 13 juillet nous avions décidé d’aller à la pêche pour améliorer l’ordinaire. Mais le soir au rapport on nous a prévenu qu’il y allait avoir une prise d’arme pour le 14 juillet. Les copains m’ont demandé :

« Que fait-on ?

Je leur dis :

- On va à la pêche. »

Nous sommes partis de bonne heure, avec un bon casse-croûte car j’avais fais quelques réserves.

Le lendemain l’aspirant me fait appeler, il me dit :

«  Vous n’étiez pas à la prise d’armes hier ?

Je lui répondis

- Il n’y avait plus de république ce n’est pas nécessaire, d’être à la prise d’armes.

- Brigadier quand on est militaire on obéit.

- J’y penserai l’année prochaine ».

Quant à la pêche, à nous trois nous avons pris un goujon de trois centimètres environ. Pas de quoi améliorer l’ordinaire.

 

Nous n’avions pas de radio, mais il circulait des rumeurs sur un certain général qui serait parti en Angleterre et qui continuerait le combat …

 

 

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6.  La démobilisation

1940

 

 

 

 


Enfin le 29 juillet 1940 nous avons été regroupés à Valence d’Agen pour être démobilisés.

 


Dans les années trente il y avait eu pas mal de partis de droite qui s’étaient créés. Les camelots du roi, les francisques de Marc Rucard, les croix de feu du colonel de Laroque.

 

Le six février 1934 ils avaient rassemblé pas mal d’anciens combattants de la première guerre, sur la place de la Concorde à Paris..

 

Ils avaient marché sur la chambre des députés mais les croix de feu ne sont pas allées jusqu’au bout. Il y eut une scission. Alors Eugène de Lonque a formé un nouveau parti les cagoulards, qui pendant quelques temps ont placé des bombes.

 

Depuis l’armistice Pétain était à la tête de l’Etat français, et pour asseoir son régime il avait monté la légion des combattants. Alors ces couillons pour faire voir qu’ils avaient fait la guerre beaucoup d’anciens de 14-18 et de 39-40 ont adhéré. De cette légion des combattants, ils ont formé par la suite le service d’ordre légionnaire, les jeunes de la légion ainsi que les enfants de la légion.

 

Ensuite beaucoup des gars du service d’ordre légionnaire sont devenus  militaires.

 

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7.  L’occupation

1940-1943

 

 

 

 

Au mois d’août 1940 je suis rentré à la Viscose une usine de rayonne. J’étais à l’atelier de la torsade de fils. Je travaillais de nuit, de huit heures du soir à quatre heures du matin. Nous avions un quart d’heure pour casser la croûte et comme il y avait les restrictions le casse croûte était vite fini. Pendant la pause, des tracts circulaient. Surtout en 1940-1941. C’était des tracts du parti communiste qui avait été dissout en 1938 suite au pacte germano-soviétique. Il fallait faire attention car dans l’équipe il y avait un gars du service légionnaire ainsi que des jeunes de la légion.

 

En 1941 Pétain est venu à Grenoble. Il fallait voir les petites sœurs défiler aux pas avec leurs élèves des « écoles de curés » en chantant :

 « Maréchal nous voilà… »

Pour être tranquille ce jour là et ne pas être en ville, avec trois copains nous sommes allés jouer aux boules à l’Ile Verte au clos des sapins. Il y avait un bâtiment à côté du clos et tout à coup une espèce de minet se met à hurler de sa fenêtre :

« Vive Pétain »

 Nous n’avions pas pensé que le maréchal viendrait voir l’école des filles de la légion d’honneur qui s’était repliée de Paris dans un bâtiment de l’hôpital. C’était toutes des filles de bourgeois. A l’espèce de cloche nous lui avons dit de fermer sa gueule qu’il ferait mieux de soigner ses gosses qui avaient l’air lamentable. Avec notre vocabulaire nous l’avons insulté mais ce con la est allé chercher les flics. Nous n’avons pas fini la partie de boules mais avons fait un repli stratégique.

En septembre 1942 Vichy avait institué la relève. Si un ouvrier partait en Allemagne un prisonnier militaire retournait dans ses foyers. Comme il n’y a pas beaucoup de volontaires ce sont les usines qui ont établi les listes d’ouvriers.

 

Le 11 novembre 1942 sur une équipe d’une cinquantaine nous nous sommes retrouvés vingt-neuf à ne pas travailler ce jour là. Toute la journée nous avons manifesté et le soir nous étions sept à ne pas prendre le travail.

 

Courant février 1943 l’usine où je travaillais a fourni sept noms de volontaires désignés d’office pour partir en Allemagne. Pure coïncidence ? C’était les sept qui n’avait pas pris le travail le soir du 11 novembre 1942.

 

 

 

 

 

 

 

 

Cahier central 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Livret de famille de mes parents (extrait )

 


Mon extrait de naissance

 


La sortie du conseil de révision

 

 

 

 

 

Bon pour les filles ! ! !

 

 

 

 

 

 

 

En tenue de tirailleur

 

 


 

 

 


La vie militaire : la détente

 

 

La vie militaire : la chambrée

 


 


Le maquis 

 

La cabane des feuilles à Méaudre

 


 


Autrans

 

La cabane de Gève

 

 

 

 

Les apprentis bouchers



L’école des cadres à Uriage                                                                               C’est moi !

 

 


En Maurienne

 

Un petit air de vacances ? ? ?


 


 



En Maurienne

 



Certificat de démobilisation 1940

 


 

 

 

 

Certificat de démobilisation 1940

 


Certificat FFI

 

 

 

 

 

 

 


Carte FFI

 


Certificat de démobilisation 1945

 

Attestation

 

 

 


Citation

 

 

 

Livret militaire

 

 

 


Livret militaire

 

Livret militaire

 

Défilé à Lyon Place Bellecour le 5 septembre 1944

 

 

Extrait des Cahiers des troupes de montagne n°12/98


 

 

 

Capitaine Bordenave qui fut mon capitaine

 

 

 

 

Photo extraite de La bataille des Alpes 1944-1945 de Jean Mabire Presses de la cité


Cette carte de France indique les différentes villes dans lesquelles j’ai séjourné ainsi que les différents trajets empruntés entre 1939 à 1940

 


 

 

 

 


Les voyages forment la jeunesse ! !

 

Pont de Claix

 

En 1611, sous la pression des maraîchers des plaines fertiles de Claix contraints pour aller vendre-leur produits à Grenoble de traverser le Drac à gué, l'édification d'un pont est décidée. Il est classé monument historique

Plus de deux siècles plus tard, "un nouveau pont" plus large et surtout moins "raide" est construit

Bouquéron Corenc St Eynard

 

Bouquéron (le château et le hameau)
Bun = hauteur + kar ou kor = rocher + onem = suffixe latin. Castrum bocoronis

 

Corenc tire son nom de KOR, qui signifie rocher, hauteur en langage pré indo-européen auquel s'ajoute un suffixe gaulois ENNUM. Corenc se trouve sur le passage d’une voie romaine sur la rive droite de l’Isère. Une autre voie partait par le Sappey et le col de Porte, et rejoignait Saint Pierre d’Entremont. On a trouvé des vestiges, notamment une pierre tombale d’origine post gallo-romaine du VIè ou VIIè siècle, à l’emplacement de l’ancienne église Saint Pierre, lorsque celle-ci a été reconstruite et réorientée au 19è siècle. Cet endroit a toujours été consacré au culte. A Bouquéron a également été trouvé une lampe à huile en céramique du IIIè siècle.

 

Mont Saint Eynard 1359 m.

C'est une proue de bateau relevant vers le sud et dominant le Grésivaudan du coté est

 

 

Toul Meurthe et Moselle

 


Croix de guerre 1914-1918
Croix de guerre 1939-1945

 


pia prisca et fidelis

pieuse, antique et croyante

de gueules au tau d’o

 

 


Tullum, capitale du peuple gaulois des Leuques, citée par Jules César dans "la guerre des Gaules", était traversée par la grande voie romaine qui allait de Lyon, capitale des Trois Gaules, à Trèves. Au 3e siècle elle fut ceinte de remparts et devint l'une des quatre grandes cités de la Belgique première. Ses faubourgs furent détruits par les Huns d'Attila en 451 et Clovis y fut instruit dans la religion chrétienne par Saint Vaast. Toul fut le siège d'un important évêché, l'un des plus vastes diocèses de toute la chrétienté, d'où la devise de la ville. En 1336 l'empereur Charles IV, oncle du roi de France Charles V, confirma les droits de la ville. Henri II occupa Toul en 1552. Avec Metz et Verdun, ce fut l'un des Trois Évêchés. En 1777 on créa les deux évêchés de Saint Dié et de Nancy. Le siège épiscopal de Toul fut supprimé en 1790.

 


 

 

Couvent de la Grande-Chartreuse

 

 

 

Pont en Royan


Autrans

 

 

 

 

 

 

 

 

VERCORS

 

 

 

 

Carte du Vercors


Formidable masse de roches calcaires, le massif préalpin du Vercors constitue bien un ensemble en soi. Situé entre l'Isère et la Drôme, l'ensemble du massif s'étend sur 950 km2, 63 km de long et 40 de large, avec une altitude moyenne de 1200 mètres. Logiquement, ses parties les plus hautes et ses falaises les plus abruptes se trouvent à l'Est et regardent les Alpes, soulevées à l'ère tertiaire. La longue arête que constituent ces falaises orientales ne descend guère en dessous des 2000 mètres et atteint 2341 mètres au Grand Veymont, point culminant du Vercors. Le massif est marqué par un long pli nord-sud qui va du col de Roméyère à celui du Rousset, pli interrompu en son milieu par de profondes coupures taillées à pic : les gorges de la Bourne et celles de la Vernaison, connues sous le nom de Grands Goulets, et autrefois réputées infranchissables.

                                    

Les "Quatre Montagnes", ancienne appellation du Vercors Nord...                                                           

Cependant; l'appellation Vercors donnée à l'ensemble du Massif n'est pas toujours allée de soi. Le Vercors proprement dit comprenait les cinq communes de La Chapelle en Vercors, Vassieu, Saint-Agnan, Saint-Martin et Saint-Julien, formant le canton de la Chapelle-en-Vercors. Les "Quatre Montagnes", ancienne appellation du Vercors Nord, reprise fréquemment de nos jours, étaient un pâturage alpestre que se partageaient les paroisses de Lans, de Villard de Lans, d'Autrans, et de Méaudre. Les Quatre Montagnes étaient aussi appelées Montagne de Lans ou Mont de Lans par les Grenoblois; elle est maintenant nommée simplement "Le Plateau" par les gens du pays. Cette partie ne fut annexée au Vercors qu'au lendemain de la dernière guerre mondiale, durant laquelle les différents maquis se sont regroupés sous le nom de Vercors. Ainsi, Lans fut rebaptisé Lans-en-Vercors, de même que Gresse dans le Trièves. L'histoire a donc rejoint - tardivement - la géographie.


 

 

 



Il n'est pas une commune, pas une forêt, pas une clairière, pas une montagne du Vercors qui n'ai été le théâtre de combats ou d'actes de résistance. Nombreux sont aujourd'hui ces lieux de mémoires où sont tombés des hommes et des femmes où ont vécu dans la clandestinité des groupes de résistants, où se sont produits des parachutages


 

 


Le village de Malleval

 

 

« Gisant » à la mémoire des

victimes

 

Situé sur le flanc nord-ouest du Vercors le village de Malleval abrita un maquis important fondé par De Reyniès avant que le lieutenant Eysseric ne l’organise militairement. Le 29 janvier 1944 les allemands prirent ce maquis. 22 maquisards périrent, ainsi que 8 habitants. Le village fut incendié

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est à Saint Nizier que 250 maquisard ont tenu tête aux allemands le 13 jun 1944. Débordés le 15 juin contre plus de mille hommes. A leur tête, le capitaine Goderville, le général Costa de Beauregard, le capitaine Brissac, les lieutenants Chabal et Bouchier.

La nécropole de St Nizier-du-Moucherotte

 

 

Ce village servit de camps aux maquisards puis fût le lieu de sévères affrontements les 22 et 23 juillet 1944. Le lieutenant Chabal et ses hommes y moururent les armes en mains. Les maisons furent incendiées, seule la chapelle sera épargnée. Ce village ruiné, est resté en l'état.

 

 

 

 

 

Le jardin de la mémoire

 

 

 

 

Le site de Valchevrière :

 

 

 

Monument érigé dans l’ancien cimetière du village de Vassieux dédié aux victimes civiles. Le concepteur Emmanuel Saulnier a voulu magnifier le sacrifice des 73 martyrs par autant de lame de verre sur un parterre gazonné.


 

La nécropole de Vassieux

 

 

 

C’est dans ce site du Vercors que se sont posés les planeurs à croix noires, le 21 juillet 1944. Les maquisards croyant à l’arrivée des alliés sont surpris et tués pour la plupart sur place. Les commandos allemands se réfugièrent dans le village, ne seront pas délogés et sèmeront la terreur.

 

 


Vassieux en Vercors est un village martyr fait Compagnon de la libération le 4 août 1945 par le général de Gaulle.

 

Monument de Vassieux


 


 

 

 

La cour des fusillés

de la Chapelle-en-Vercors :

 

 

Le 25 juillet 1944, alors que la population est rassemblée sur la place du village par les allemands, 16 jeunes gens sont pris en otages et fusillés le soir même dans la cour d'une ferme. Le village est ensuite incendié


Le 22 juillet 1944, au Pas de l’aiguille 23 maquisards bloqués dans une grotte prise d'assaut par l'ennemi, résistent pendant plus de trente heures. En pleine nuit, ils s'échappent en laissant derrière eux huit de leurs compagnons et trois blessés qui mettent fin à leurs jours au sein de la grotte.

 

 

Le 27 juillet 1944, les allemands pénètrent dans l'hôpital militaire de St-Martin qui n'est autre que la grotte de la Luire. Là, ils massacrent les blessés, déportent les sept infirmières et font fusiller deux médecins et un prêtre à Grenoble.


 

 Le pied du pas de l'aiguille

 

 

 

 

 

La grotte de la Luire



Marcilloles

 

Cette commune de l’Isère fait partie comme les dix communes suivantes du Pays de Chambaran :

Roybon (Chef Lieu de canton), Beaufort, Chatenay, Lentiol, Marcilloles, Marcollin, Marnans, Montfalcon, St Clair sur Galaure, Thodure et Viriville.


 


La main de l'homme ici s'est faite légère pour préserver l'équilibre naturel : une faune d'une richesse étonnante peuple ce monde de bois et d'eaux vives. Théâtre de verdure et grand spectacle : du balcon des collines, la vue s'étend jusqu'aux Alpes et aux Cévennes. Ajoutez les curieuses façades en galets roulés et pisé des villages


 traversés, quelques ruines imposantes sur les hauteurs.

Le "Pays de Chambaran" est placé "tout naturellement" au centre du triangle "Grenoble-Lyon-Valence", et composé, d'une part, d'un plateau très arboré dominant la vallée de l'Isère et le Vercors, et d'autre part, la Plaine de la Bièvre. Il fait partie de ces contrées privilégiées sur lesquelles le temps semble n'avoir aucune prise


 

La commune de Marcilloles est célèbre pour son orgue-coffre dans son église (Papé ne doit pas le savoir. Il n’a pas dû mettre les pieds dans l’église)

 

 



Meuble Coffre en noyer massif. Dimensions : largeur 108 cm, profondeur 55 cm – hauteur 86cm. Pour faciliter son transport, le coffre est muni de 4 poignées escamotables et de 4 roulettes encastrées.

 


 

 

Clavier 1 clavier de 51 notes (do1–ré5). Touches naturelles plaquées de citronnier, dièses en palissandre. Clavier transpositeur d'un demi-ton vers le grave, pour permettre   l’utilisation de l’orgue avec des   instruments   anciens diapason la=415


Mécanique : L’orgue est entièrement mécanique. Les touches sont axées en queue. La mécanique est foulante par pilotes. Les pilotes de l’octave grave sont à "jambe de chien" pour atteindre sans abrégé les soupapes plus larges dans les graves.

Sommier : Sommier chromatique de 52 gravures commençant au contre-si. Il constitue la base du coffre. Les soupapes sont foulées en queue. Le tampon de laye est situé devant les pieds de l’organiste.

Alimentation : L’air est fourni par un petit ventilateur électrique sans soufflet régulateur. Néanmoins, un petit anti-secousse a été placé sur le porte-vent ; il a permis l’installation d’un tremblant. La pression est de 49 mm de colonne d’eau.

 

Composition  L’orgue comporte 4 jeux de 52 tuyaux.




Le village de Mont-Saint-Martin

 

 


Mont-Saint-Martin

 

 

Petit village suspendu au-dessus de la cluse de l'Isère, dans la combe monoclinale de l'Hauterivien du flanc oriental de l'anticlinal de la Chartreuse occidentale. La plupart des maisons sont installées sur le revers est du crêt des calcaires du Fontanil, à différents niveaux des bancs supérieurs de ceux-ci. Cette combe est toutefois compliquée par un chevauchement qui la traverse en biseau en passant à l'est. Plus en amont il suit le pied ouest de l'échine du Grolier - Pas du Boeuf, formée par la barre de calcaires du Fontanil remontée par le chevauchement, avant de passer sur le versant de Chalais au Pas de l’Ane.

 

 

 

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8.     Le maquis

1943

 

 

 

 

Alors avec trois copains nous avons décidé de ne pas nous présenter à l’hôtel Terminus pour la visite. Nous avions eu un renseignement par un électricien radio comme quoi il y avait des Lorrains qui avaient été embauchés à la ferme du couvent de la Grande Chartreuse. Nous sommes montés tous les trois au couvent. On nous avait dit qu’il fallait voir le « proviseur » un homme qui n’avait qu’un œil. Quand nous nous sommes présentés à la porte un moine qui faisait fonction de portier ne voulait pas nous faire entrer. Nous avons insisté et nous avons été reçus par le « proviseur ». Ce dernier nous a dit qu’il ne pouvait pas nous prendre car il avait eu une visite de la commission d’armistice italienne.

 

Ce couvent de la Grande Chartreuse avait été évacué par les moines suite à la loi Combes sur la séparation de l’église et de l’état (Combes Emile. Homme politique français 1835-1921 Président du conseil 1902-1905.). Les moines sont revenus en 1940. Jusqu’à là c’était la république qui en avait la garde et qui le faisait visiter comme un musée. De leur départ jusqu’à leur retour ils s’installèrent à Tarragone en Espagne.

 

Le « proviseur » avait une paire de lunettes avec un verre dépoli. Il nous dit :

 « Qu’allez vous faire ? Surtout n’allez pas en Allemagne ! »

Par l’intermédiaire d’un ancien inspecteur de police en retraite il nous a mis en contact avec Paul Huillier (les cars Huillier étaient le service de car du Plateau du Vercors).

 

Nous sommes montés Combet, Favier et moi à Méaudre le 15 mars 1943. A Méaudre à la descente du car nous avons été pris en charge par le boulanger Léon Vincent-Martin. Il était onze heures du matin, il nous a remis à Marcel Rochas « dit Tioto » qui tenait un hôtel avec ses deux sœurs. A midi nous avons mangé une bonne soupe qui avait cuite avec un morceau de porc. C’était une chose que l’on ne connaissait plus.

 

Le soir Léon Vincent-Martin nous a emmenés dans une vieille ferme au pied de la route forestière dans les bois qui appartenait à Marcel Reppelin. Il y avait encore un petit peu de neige. Quand nous sommes arrivés dans cette vieille ferme, il y avait une huitaine de gars, quelques jeunes de Pont en Royan. L’éclairage était assuré par une lampe à pétrole qui grésillait par le fait qu’il n’y avait pas beaucoup de pétrole et pas mal d’eau. Cela n’avait pas l’air d’un palace mais plutôt d’un repaire de brigands. Nous sommes restés là jusqu’à la fin mars.

 

Un jour nous avons eu la visite d’un monsieur qui s’appelait Rouvier. Plus tard je sus que c’était le capitaine Le Ray. Début avril comme la ferme était trop petite nous sommes montés plus haut sur la route forestière à la cabane des feuilles. Nous étions alors une bonne trentaine.

 

 

La cabane des feuilles en avril 1943

Un jour un dentiste nommé Resestal qui restait à Villard de Lans car il était juif, est venu pour soigner un gars de Roman qu’on appelait Lili et qui avait mal aux dents. Quand le dentiste a voulu lui faire une piqûre, il a laissé tomber dans les graviers, l’unique aiguille qu’il avait. Alors les soins ont été faits sans piqûre, assis dans une brouette en guise de fauteuil. Je tenais le gars par les oreilles pendant qu’il lui arrachait la dent. C’était plutôt marrant de le voir dans la brouette pédaler avec ses jambes.

 

Ensuite il nous demanda s’il n’y avait pas d’autres malades qu’il puisse soigner. Un autre gars de Roman qu’on appelait Tatave dit qu’il avait des hémorroïdes. Alors il a fait sa visite derrière la cabane.

 

Ensuite il nous a dit qu’il allait au C5 à la baraque d’Achieu située plus haut. Nous nous sommes dits qu’après avoir soigné « le cul de Tatave » les gars du C5 n’avaient pas de chance.

 

Dans les premiers temps, il y avait pas mal de gars un peu bizarres. Il y en avait un qui ne voulait faire aucune corvées, nous l’avions surnommé « mal aux mains ». Soi-disant il était cheminot. Nous étions tous de la relève, à part les jeunes de Pont en Royan. On nous avait mis deux chefs pour le camp Robert (Sechi) et Boby (Bacus).

 

Un jour au début de mai il y a un gars, Mario, qui prit la fuite. Le chef m’a envoyé le rechercher. Il était tombé 50 cm de neige. Le gars avait pris la fuite par le pas de la chèvre. Je suis parti à sa recherche jusqu’à Malval par le sentier de la forêt. A Malval je trouvais une équipe de bûcherons car dans les Coulmes, il y avait beaucoup de hêtres, avec lequel on faisait du charbon de bois. Le responsable me dit qu’il était de la région de Dieppe. J’ai pensé qu’il devait être des FTP ou du Parti Communiste. Au retour j’ai trouvé Mario dans une ferme isolée sur la route du col de Romeyère. Nous avons rejoint le camp par le pas de la chèvre. Nous sommes montés à quatre pattes à cause de la neige. Quand nous sommes arrivés à la cabane des feuilles il était vingt deux heures. Là Robert était seul, il nous dit qu’il avait été prévenu d’une alerte et qu’il fallait monter à Gros Martel. Nous y sommes donc montés. Comme il n’y avait pas de baraque on a fini la nuit à la belle étoile. A Gros Martel, plusieurs camps avaient été rassemblés. Nous devions bien être cent quatre-vingt à deux cents hommes.

 

Avec quatre copains nous avons eu pour mission de monter au point géodésique, sur la crête pour surveiller les routes venant de Villard-de-Lans, des gorges de la Bourne et de Méaudre au carrefour de Jarrand. Les premiers jours nous étions dans une grotte qui n’était ni très grande ni très longue. Nous ne pouvions pas nous coucher pour dormir. Ensuite nous avons eu quelques planches avec lesquelles nous avons pu faire un abri entre deux sapins pour pouvoir dormir. Dans la clairière du bas ils avaient construit une cabane en rondins de sapin.

 

A la fin avril nous avons dû nous cacher dans les bois car il y avait eu une incursion des italiens. Comme certains gars ne voulaient pas coucher au grand air ils allaient coucher le soir à la baraque d’Achieu. Un soir ils ont été tous ramassés par les Italiens. Ils ont été remis à la police française, qui leur a fait la morale et deux jours plus tard ils ont été relâchés.

Mais les occupants italiens ont arrêté une partie des dirigeants à Villard-de-Lans ainsi qu’une partie de l’organisation à Grenoble, cinq francs-tireurs.

 

Comme l’organisation était en partie démantelée, on nous a rassemblés pour nous dire que ceux qui voulaient partir le pouvait. Le chef Robert a dit que si certains voulaient rester avec lui ils le pouvaient et que nous allions nous débrouiller. Alors avec un petit groupe nous sommes partis sur Autrans. Nous étions le camp numéro trois le C3. Un autre groupe est resté à Méaudre pour former le camp numéro cinq, le C5.

 

Nous nous sommes installés dans une baraque sur la route forestière de Fond-Sellier, puis nous avons réaménagé un peu plus haut dans une ancienne bergerie à Cartau. Nous avions avec nous un certain Charlot qui était charpentier, c’était pas mal. L’organisation était reformée. Nous avions un militaire comme responsable, le lieutenant Roitard. Pour le ravitaillement nous descendions à Gève une route forestière à six kilomètres d’Autrans, dont le maire était Henri Barnier. Pour la viande nous montions à Cartau une vache qui était abattue sur place. Un jour nous avons eu une vache en plus. Nous l’avons gardée dans un enclos que nous avions fait exprès. Mais une nuit cette vache a pris sa liberté. J’ai pris une corde et je suis parti à sa recherche une bonne partie de la journée. Vers seize heures je l’ai trouvée sur le chemin de crête à la Buffle. Elle ne pouvait pas aller plus loin. J’ai été obligé d’escalader le sommet de la Buffle pour la faire reculer. Cela n’était pas facile car il y avait le ravin. Vers dix-huit heures je suis revenu au camp avec ma vache.

 

Nous avons passé tout l’été 1943 en plein air à Cartau. Comme nous nous doutions que nous allions devoir passer un nouvel hiver il nous fallait préparer un lieu plus clément. Nous avons décidé de nous installer à Gève, mais il fallait faire des provisions de bois pour l’hiver. Le garde forestier nous a montrés ce qu’il fallait couper. En octobre nous avons pris notre résidence d’hiver. Il y avait une petite cuisine avec un petit réduit pour mettre le ravitaillement et une écurie où nous mettions notre matériel. Au premier étage il y avait une grande salle qui était la grange à foin et deux grandes chambres avec un petit couloir au milieu. Il y avait un poêle à bois dans chacune des chambres. Une équipe était allée faire un coup de mains dans le garage des PTT en cheville avec un employé. Ils avaient pris une camionnette ainsi que la Renault du directeur. Il y avait dans la camionnette du fil de téléphone et des combinés, ce qui nous a permis de faire une ligne téléphonique jusqu’au bourg en dessous d’Autrans dans une vielle ferme, et dans la grange.

 

Quant à moi je faisais le cuistot.

 

De temps en temps nous avions des gars qui partaient pendant la nuit.

 

A Gève nous n’avions pas de boucher, alors avec Marcel nous avons tué la vache. Nous  lui avons tiré un coup de revolver entre les deux yeux. La vache s’est effondrée. Nous l’avons saignée, dépouillée et nous avons fait onze quartiers. Dans l’ensemble nous ne nous sommes pas trop mal débrouillés, mais quand il a fallu débiter les morceaux, nous ne savions pas suivre le fil de la viande. Aussi nous aurions dit que le chemin de fer était passé dessus la viande. Cela aurait bien fait dans un hospice de vieillards mais pour des gars d’une vingtaine d’années….. Malgré cela nous l’avons mangée.


 

La cabane de Gève –Autrans-

 

 

 

 

Les apprentis bouchers !


 


Comme éclairage nous avions des lampes à carbure, mais pour avoir du carbure c’était une autre affaire. Comme tout était contingenté nous avions une combine par un petit industriel en mécanique rue Malifaud à Grenoble. Il le livrait à un magasin de cycles rue Camille Desmoulin à Monsieur Tardif. Alors je descendais à Grenoble et avec la voiture de l’épicier de mes parents, je le ramenais au car Huillier Place de la Manutention devenue place Philippe Ville. L’industriel un nommé « P… », (C’est exprès que les noms ne sont pas mentionnés) avait son gendre un certain « B….» qui faisait parti des PPF (PPF Parti Populaire Français. Parti de droite) de Doriot et avait fait rentrer son jeune fils de 15 ans également dans ce parti. Le dénommé « B… » a disparu à la libération. Il a été retrouvé à Marseille. Il tenait une épicerie. Il a été condamné, puis gracié par le président Pompidou. Le fils n’a eu qu’un peu d’indignité national. Quant à Monsieur « P…. » je l’ai revu à ma démobilisation en 1945 place Championnet. Nous avons pris un verre ensemble. Le lendemain M.Tardif m’a dit qu’il s’était suicidé.

 

En novembre 1943 nous avions déjà eu de la neige. Le chef Robert avait de l’argent de l’organisation. Nous avions commandé à un menuisier des Eaux-Claires une vingtaine de paire de skis que j’ai ramenés avec les cars Huillier. Pour ne pas se faire voir, nous n’empruntions pas la route forestière mais une piste que nous avions faite sous les bois pour aller à Autrans ou à la relève de la garde.

 

Quant à la question d’armement, nous n’étions pas trop armés. Quand nous avons commencé à Méaudre en mars 1943, pour monter la garde, nous n’avions qu’un gros gourdin et un revolver 6,35 qui n’avait pas de chargeur. Par la suite nous avons eu quelques fusils italiens et quelques mousquetons.

 

Le premier parachutage a été réalisé le 10 novembre 1943 à Puits d’Armenousse dans une cuvette qui se trouve entre la montagne des deux sœurs, ainsi qu’une montagne en dessous de Tourte. Les forteresses voulaient larguer environ douze tonnes d’armement. Le parachutage étant assuré par les équipes civiles. Nous sommes allés le lendemain ramasser les conteneurs sur le terrain. Nous avions environ une heure de marche avec les conteneurs pour les mettre à l’abri dans une grotte. Il y avait environ 15 à 20 cm de neige, nous sommes restés trois jours. Nous avons couché dans la grotte, il y avait une couche de glace qui nous tenait au frais pour dormir. Pour la nourriture nous avions des pommes de terre et pour les faire cuire nous faisions fondre de la neige. Cette dernière était très légère aussi avec une marmite remplie nous ne récupérions que peu d’eau dans le fond.

 

A la mi-décembre 1943, nous sommes partis de Gèves pour la distribution des armes du parachutage de novembre. Une bonne partie du C3 plus les équipes civiles d’Autrans ont fait le parcours jusqu’à Saint Julien. Cette année là il y avait beaucoup de neige, la route de Méaudre aux Jarrands était recouverte de plus de un mètre de neige. Les Jarrands dans les gorges de La Bourme, la neige ne faisait qu’un tout depuis la crête, jusqu’au fond de la Bourme. Nous n’avions qu’à bien suivre la trace des skis du chef de file. Nous avons fait le voyage dans la journée soit soixante kilomètres environ. Pour le retour nos sacs étaient chargés avec environ quarante kilogrammes de matériel. Le retour s’est fait dans la nuit, il n’était pas question de tomber dans la Bourme. On n’avait pas un entraînement pour un si grand parcours, aussi j’avais pris des crampes dans les jambes et les épaules ne valaient pas mieux. Nous n’avons pas eu d’incidents de la journée.

 

Pour ne pas perdre le moral de temps en temps il y avait une équipe volante qui venait au camp pour nous parler de la situation ainsi que du programme du CNR et l’organisation de la France lorsqu’elle serait libérée.

 

Dans le camp il y avait toutes les idées. Il y avait bien huit à dix gars qui étaient catholiques pratiquants. Le curé d’Autrans était neutre. Il ne nous créait pas d’ennui, il nous ignorait. Aussi c’est un prêtre de Villard de Lans qui venait. Il était originaire du Havre et il était en convalescence dans une pension d’enfants.

 

En décembre 1943 pour préparer Noël un gars Dufour, un réfugié a fait le tour des fermes et il a bien ramené une cinquantaine de poules et de lapins. Pour le réveillon de Noël en cette période de restriction je pense que beaucoup nous aurait enviés. Nous avions un tonneau de confiture, du chocolat, des biscuits qui venaient du camp de francs-tireurs de Henri Tarze d’un coup de main qu’ils avaient fait dans un entrepôt des miliciens de la rue Lafayette à Grenoble.

 

Le jour du réveillon tous les grands chefs étaient venus ainsi que les équipes en civil d’Autrans.

 

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9. Le maquis

1944

 

 

 

La vie ne se passait pas trop mal.

 

Le soir du 9 février 1944 nous avons entendu un avion qui semblait voler très bas sur la prairie de Gève. Il y avait beaucoup de brouillard. Nous avons éteint les lumières car avec les fils du téléphone nous avions pu tirer une ligne électrique depuis Lachard avec Collavet qui travaillait pour la Société Force et Lumière. L’avion s’est d’abord dirigé nord/sud puis il est revenu sud/nord. Il a tiré une fusée éclairante qui a illuminé toute la prairie. Ensuite nous avons entendu deux ou trois détonations. Nous avons pensé qu’il avait largué ses réservoirs supplémentaires.

 

Pendant deux jours il a neigé avec beaucoup de brouillard. Le troisième jour il faisait beau alors avec « Jacques le milicien » nous sommes partis à ski pour monter sur Cartau. Mais avec la neige nous avons perdu notre direction et nous sommes tombés par hasard sur l’avion qui avait percuté la montagne. A part le fuselage tout le reste était couvert de neige. J'ai vu le mitrailleur arrière qui était coincé. Je ne voyais que son dos. J’ai frotté son cuir qui était brûlé et grillé. On aurait dit un poulet rôti. Nous avons alerté les responsables. En fait c’était un avion anglais avec un équipage canadien. Il y avait sept hommes à bord, deux vélos, quelques bâtons de dynamite ainsi que quelques mitraillettes.

 

On a appris par la suite qu’il devait parachuter sur Tullins-Fure.

C’est donc nous le C3 avec les équipes civiles qui avons mis les corps des aviateurs dans des caisses en bois. Quand la neige a eu un peu fondu, ils ont mis les corps dans une grotte jusqu’à la libération, date à laquelle ils ont été ramenés au cimetière d’Autrans où ils sont toujours.

 

La relève n’ayant pas été bien perçue pour aller travailler en Allemagne, le gouvernement de Vichy avait pris un décret pour obliger les jeunes des chantiers de jeunesse à aller  travailler en Allemagne. C’était le STO (Service du Travail Obligatoire pour deux ans. Créé par les lois des 4/9/1942 et 2/2/1943). C’était en fait plutôt une sorte de déportation pour les jeunes.

 

Sur le plateau, les chantiers n’avaient plus de jeunes, mais il restait pas mal de matériel. L’organisation s’était mise d’accord pour qu’un soir nous allions le récupérer. Mais un chef des chantiers avait fait descendre tout le matériel au centre de Sassenage. Alors un jour, nous sommes descendus du camp par les chemins de montagne jusqu’au four à chaud, ensuite deux camions nous ont descendus au château. Nous étions environ une vingtaine. On nous avait prêté une tenue des chantiers, j’avais pour mission de faire ouvrir la porte et de faire entrer les camions. Ensuite les gars ont neutralisé le peu de personnel qu’ils ont attaché. Les jeunes des chantiers ont dit de ne pas les attacher trop fort. Pendant ce temps je restais devant la porte et montais la garde. Ils ont rempli les camions de couvertures, de chaussures, de sacs à dos…Ensuite ils sont partis les mettre à l’abri.

 

Le 15 janvier on nous a fait évacuer le plateau avec l’histoire des Glières (Plateau situé dans le massif des Bornes entre 1400-2000m Théâtre en 1944 de la lutte héroïque d’un groupe de la Résistance contre les Allemands). Pour rejoindre la plaine nous étions par petits groupes de cinq ou six. Dans mon groupe, nous étions cinq. Il y avait Sully (Coin Boyas), Marcel (Chapon), Albert (Quiquin) de la Somme, un petit gars de Reims et moi. Nous sommes passés par la crête de Pierre Taillé, pour rejoindre les camps en dessous de Monteaux. Il était 22 heures, nous nous trouvions dans un trou, avec de la neige jusqu’au ventre, nous tournions en rond, jusqu’à ce que je puisse voir enfin la lumière d’une ferme. Nous avons demandé asile au fermier qui était le seul habitant du coin, avec ses deux sœurs. Ils n’étaient pas bien rassurés, nous lui avons passé nos mitraillettes sur la table pour qu’il nous laisse dormir dans sa grange. Le lendemain nous sommes descendus dans la plaine. Nous avons suivi les digues de l’Isère. Marcel et Sully sont allés chez leurs parents qui logeaient dans les cités de l’asile quant à Quinquin et le gars de Reims nous avons trouvé refuge chez Monsieur Bouchet qui tenait le café des pêcheurs au petit lac de Saint Egrève. C’était un ancien adjudant de l’armée. Quant à moi j’ai laissé ma mitraillette dans le cochonnier de l’asile et je suis rentré à Grenoble.

 

Alors depuis Grenoble je faisais la liaison en vélo des groupes depuis Grenoble jusqu’à Pont en Royan. Ensuite les groupes ont passé l’Isère et sont repartis à La Forteresse, à Cras, à Morette.

 

Avec les quatre copains qui étaient à Saint Egrève, nous avons rejoint les autres à la Forteresse à pied. Nous sommes passés par Montaud car nous ne pouvions pas nous promener sur les grandes routes avec nos mitraillettes.

 

Nous étions tous regroupés autour de la Forteresse. Il y avait un groupe sur la commune de Morette, mon groupe était sur la commue de Cras. Nous avons été soutenus par des gens du coin, Mme Decaux qui était veuve avec quatre enfants. Elle faisait le ramassage du lait dans les fermes des environs. La famille Jullin. Dans la vieille ferme où nous cantonnions sur Cras, il y avait des gros mulots qui venaient la nuit prendre nos chaussures, que nous avions pourtant le soin de garder près de nous. Nous avons aussi pris des poux.

 

Nous sommes restés là jusqu’à la fin avril 1944.

 

Le 1er mai nous avons eu la surprise de nous faire déloger par les miliciens. La garde nous a prévenus et nous avons eu juste le temps de prendre nos sacs qu’ils se pointaient au bout du champ. Citron (Souvais) qui avait le FM a tiré quelques salves pour permettre à tout le monde de pouvoir évacuer. Mais il a tiré plutôt en l’air, car il n’était pas question de tuer un milicien pour qu’il n’y ait pas de représailles sur la population. Dans la bagarre j’ai perdu mon sac que les miliciens ont récupéré. Nous nous sommes repliés sur le  groupe qui était à la sortie de la Forteresse en direction du col de Toutes Aures. De cette incursion des miliciens nous avons par la suite appris qu’il y avait eu un milicien blessé qui s’était tiré une rafale de mitraillette dans les pieds. Le chef Robert nous a tous regroupés le 2 mai pour reprendre notre résidence d’été à Cartau sur Autrans. Nous avons attendu la nuit pour traverser la plaine et remonter par le pas Borchier.

 

Depuis la venue du capitaine Le Ray à Méaudre pour la zone Nord j’ai connu Durieu (Costa de Beauregard), le lieutenant Reynier du 2ème d’artillerie qui n’est pas resté longtemps, je crois qu’il a rejoint l’Afrique du Nord. Nous avons eu également le Lieutenant Roitard qui a été tué le 7 mars 1944 du côté de Romans avec le chef du C5 et deux gars du C5. Après nous avons eu un lieutenant qui s’appelait Cazal pas très longtemps, il aurait disparu à Lyon. Après nous avons eu le Lieutenant Dufeau (Bordenave), il a été le capitaine de la 1ère compagnie du 6ème BCA jusqu’à la fin de la guerre en 1945.

 

Depuis le mois de mai nous étions revenus à Cartau quand nous avons appris le 6 juin 1944 le débarquement des alliés. Le 9 juin 1944 nous avons appris que l’on fermait le plateau. Nous sommes descendus dans les Gorges de la Bourme. Nous avons pris position au Blivet. Nous devions je crois surveiller les camions qui montaient de la plaine avec des gars de Romans et de Valence.

 

Nous sommes restés quelques jours.

 

Nous faisions la popote dans une ferme qui appartenait au fils de l’amiral Bossière. Il était géologue. La guerre l’a surpris en France car je crois qu’il travaillait beaucoup en Amérique du Sud. Chez lui tout était programmé. Le premier jour pour faire la soupe. Il nous dit vous avez combien d’hommes ? Alors il faut tant de kilogrammes de pomme de terre et tant de poireaux. Il nous avait fait rire car il avait des poules et nous disait celle là fait des œufs de cent cinquante grammes, celle là de cent quatre-vingt grammes. Nous sommes restés quelques jours puis nous sommes allés prendre position sur la route de Sassenage au tunnel de Pont Charvet.

 

Nous avons cantonné jusqu’au 13 juin 1944. Le jour ou les Allemands ont attaqué Saint Nizier. Le soir du 13 juin nous sommes montés par le chemin qui va du pont Charvet à Saint Nizier aux plateaux Charvet. Le 14 juin nous étions à la pointe. Quant à moi j’étais en observation au sentier le long de la crête. Le 15 au matin les Allemands ont attaqué avec des forces plus importantes que le 13. Dès le début du jour jusqu’à neuf dix heures ils ont fait une brèche au centre du dispositif. Depuis mon poste je n’ai rien vu quand un collègue m’a dit qu’il y avait un ordre de repli. Je suis remonté sur le plateau où nous avions mis nos sacs et j’ai vu que les Allemands y étaient déjà. Alors je me suis camouflé le long d’une haie pour prendre un petit bois et je suis repassé devant l’ennemi. Dans le bois je me suis retrouvé avec Claude Ferret. Tous les deux à travers bois et champs nous avons contourné Saint Nizier, nous sommes redescendus sur Lans puis avons repris le col de la Croix Perrin. A mi-chemin du col nous avons pris un petit chemin qui nous a conduit à Perrinière. Là il y avait un gars nommé Jésus Christ (Cotté) qui avait une pension d’enfants. On nous a fait manger. Comme il était de l’organisation il nous a dits que « Duvieux » nous rassemblait à Rencurel. Le soir nous étions rendus.

Le temps de tous se retrouver, ensuite nous sommes allés à Saint Martin  en Vercors. Nous formions la 1ère compagnie du 6ème BCA. Nous étions le 1er juillet 1944 quand les Américains ont parachuté à Vassieux vers 10 heures du matin sur le terrain du champ d’atterrissage que des équipes avaient préparé. Une heure plus tard quelques appareils allemands sont venus de Chabeuil mitrailler les gars qui ramassaient les conteneurs. Ces appareils qui stationnaient sur le terrain de Chabeuil (Drôme) avaient déjà bombardé courant juillet Pont-en-Royan, La Chapelle et Saurnant. Ils venaient pour surveiller le plateau. Il parait que l’organisation avait plusieurs fois demandé de faire bombarder Chabeuil mais nous n’avons jamais eu de réponse. Pendant mon séjour à Cras les miliciens avaient envahi la Zone Sud du Vercors. Ils avaient brûlé les baraques mais n’avaient tué aucun habitant de cette région. Il faut dire sue cette région était sous le commandement du Commandant Tivollet (Geger) il ne prenait pas de précautions pour les habitants. Les gars avaient entreposé des armes et munitions dans les granges. Le commandant se promenait à cheval en tenue dans le village. Le chef Robert me dit qu’il fallait porter du courrier à Autrans. Alors je suis parti à 5 heures du matin de la Forteresse. On m’avait prêté un vélo. J’ai pris le bac de la rivière, ensuite j’ai laissé mon vélo et je suis parti à pieds sur un sentier en direction de la prairie de Fessol. Il y avait un brouillard très épais qui trempait jusqu’aux os.

J’ai laissé mon courrier à l’hôtel Barnier qui m’a donné un casse-croûte. Pour le retour je suis passé par le pas de Brocher pour aller au coin de Montaud et rejoindre la Rivière. Le début du Pas le chemin tourne dans des rochers, il y avait encore de la neige et mon pied s’est pris dans un rocher. Pour le dégager j’ai été obligé d’enlever la neige avec mes mains et de délasser mon soulier pour pouvoir m’en sortir. La nuit commençait à tomber. Enfin je suis rentré à la Forteresse à 23 heures.

 

Après le 14 juillet nous avons quitté Saint Martin en Vercors. Comme les Allemands étaient en train de rassembler des troupes autour du Vercors, nous avons pris position au Pas de La Sambuve, quand le 21 juillet ils ont attaqué le plateau. La première compagnie Dufeau est retournée du côté d’Autrans, de la Croix Perrin, les Crêtes des Pas Mortiers, de la Clé, Brochier. Le capitaine m’a fait rester au pas de la Sambre avec Barjot (Chalvin), Hardit (Condamin) pour faire voir les emplacements des mines à une section de sénégalais qui venait de La Doua du côté de Lyon, puis nous devions rejoindre la compagnie. Dans l’après-midi du 23 juillet, nous sommes partis jusqu’à Herbouilly nous avons retrouvé René (Audemard) qui avait été envoyé à Saint Agnan. Je me suis rendu au PC du capitaine Goderville (Jean Prévot) pour lui dire que nous étions quatre et que nous ne pouvions pas rejoindre Autrans. Il me dit que la section du Lieutenant Chaval venait de perdre le Belvédère de Valchevrière, que le commandement du Vercors avait donné l’ordre de dispersion, qu’il fallait nous débrouiller.

 

Il y avait une camionnette qui descendait à Saint Julien. Nous sommes descendus avec. Une fois à Saint Julien nous sommes allés à l’école pour trouver du ravitaillement. Nous avons trouvé une boule de pain, cinq ou six boîtes de thon de 125 grammes. Nous avons quitté Saint Julien par le pas d’Echarasson. Il pleuvait depuis un bon moment. Au début du pas nous avons trouvé une grotte qui était marquée sur le rocher en grosse lettre blanche « Grotte de gaulois ». Nous nous sommes mis à l’abri. Nous avons commencé à faire un tout petit repas avec un bout de pain et une boîte de thon pour quatre. Ce n’était pas beaucoup. Nous avons décidé de passer la nuit dans la grotte jusqu’au petit jour, car notre but était de rejoindre la compagnie en passant par les Coulmes.

 

Nous étions un peu somnolents, si bien qu’un bestiau je pense une taupe est venue manger le restant da la boule de pain que Barjot avait posé sur son sac. Nous avons passé la nuit dans la grotte. Mais j’ai dit à mes copains que c’était bon pour être pris comme des lapins. Alors au petit jour nous sommes descendus jusqu’au pied du Pas de l’Echarson. Il y avait une petite prairie avec une cabane dans laquelle les paysans mettaient du foin. Comme il pleuvait encore beaucoup les copains ont voulu se mettre à l’abri. Je n’étais pas d’accord mais ils ne m’ont pas écouté. Nous nous sommes presque tous endormis quand je vis à neuf heures au travers des planches de la baraque une patrouille allemande sortir d’une haie qui était en contrebas de nous. Je vois un des soldats qui fait signe en montrant la cabane. Mais en soldats qui avaient l’habitude de faire la guerre, ils ont contourné la haie pour prendre la cabane par le haut. J’avais réveillé les copains et dès que le dernier allemand eu disparu nous sommes sortis nous cacher à la lisière du bois. Ils ont regardé comme il n’y avait personne ils ont continué leur chemin et remonté sur Chatelas. Je ne me rappelle plus lequel avait oublié sa mitraillette dans la cabane mais nous avons pu la récupérer. Du coup il n’était plus question de rester dans les grottes ou dans les cabanes. Comme nous étions près de la grotte de Bournillon et du ruisseau qui en sortait les paysans avaient creusé de petites rigoles pour arroser leurs champs. Comme il y avait beaucoup de patrouilles nous avons décidé de rester dans notre trou en attendant que la pression se relâche. Nous sommes montés jusqu’au pied de la falaise et comme le terrain était bien en pente avec notre cuillère à soupe nous avons fait chacun une petite plate-forme. Nous sommes restés deux jours sans sortir de notre cache. J’avais une paire de jumelle. Dans la journée j’avais remarqué que les Allemands qui occupaient l’usine électrique arrivaient le matin et repartaient le soir. J’ai décidé un soir de me rapprocher de l’usine. J’aperçus par une fenêtre qu’il y avait trois personnes qui surveillaient la marche de la centrale. J’ai frappé à la porte. Un ouvrier est venu ouvrir. Il m’a dit que les Allemands restaient à Choranges la nuit qu’ils ne venaient que la journée. Le responsable de l’usine s’appelait Monsieur Brun, il me dit que sa femme nous ferait de la soupe pour le soir.

 

Un soir il n’y avait pas de soupe. Madame Brun me dit que les Allemands lui avait dit qu’ils avaient tué cinq terroristes. Je lui dis que nous étions quatre et bien vivants. Ce soir là nous avons jeûné.

 

Vers la fin juillet, nous avons vu les Allemands descendre par la route ce qui signifiait que les patrouilles étaient moins nombreuses.

 

Un matin au petit jour nous avons traversé la route pour monter vers la falaise pour rejoindre les Coulmes. Au pied de la falaise il y avait une vielle ferme tenue par une dame qui élevait des chèvres nous lui avons acheté des tommes que nous avons mangées sans pain. Arrivés dans la forêt des Coulmes il y avait un village Goulandière mais qui n’était plus habité depuis la fin de la guerre de 14-18. J’avais une carte d’état major. Sur cette carte il y avait des citernes qui récoltaient de l’eau de pluie. Dans les ronces qui les entouraient nous en avons trouvé une. L’eau était un peu croupie, il y avait des têtards et de la mousse, mais dans ces cas là il ne faut pas faire les difficiles. La forêt de Coulmes était plutôt une forêt de hêtres que de sapins aussi pendant la guerre il y eu beaucoup de coupes de bois pour faire du charbon de bois, car les voitures ainsi que les camions marchaient au charbon de bois.

 

On avait essayé de traversé les Coulmes, pour rejoindre les camarades qui devaient être autour d’Autrans, par le pas de Pertuzan. Mais il était très difficile de marcher à la boussole, car avec les rochers qu’il fallait contourner, on avait vite fait de perdre les repères. Tout à coup nous entendons parler. Nous nous sommes cachés dans les rochers avec la mitraillette prête quand nous nous sommes rendus compte qu’ils ne parlaient pas allemand. C’était cinq bûcherons italiens. Comme nous sommes sortis subitement, ils ont eu très peur. Ils nous ont dits que c’était le premier jour que les Allemands leur avait donné l’autorisation de rentrer dans les bois.

 

Les Allemands occupaient la Balme de Rencurel et faisaient quelques patrouilles dans la journée. Nous avons décidé d’attendre la nuit pour rejoindre le Pertuzon. Comme la nuit était très sombre nous nous sommes couchés dans l’herbe et avons attendu le jour pour trouver notre chemin.

 

Nous sommes redescendus sur Autrans en contournant le village qui était occupé par les bois pour l’éviter. Nous sommes passés par Gèves. Le refuge avait été brûlé. Nous sommes passés dans la vallée de l’Achard. Il y avait la ferme de Monsieur Eybert Gillon qui nous a sorti un saladier de porc cuit. On en a beaucoup mangé. Il nous a dits que les gars étaient à Planzause qui se trouvait à l’arrière de Sornin.

 

Nous avons rejoint une partie seulement de la compagnie une vingtaine seulement, car pas mal de gars étaient fatigués et étaient restés du côté de Persles vers Pont-en-Royan. Nous sommes restés à Plenzouse quelques temps. Nous n’avions pas de problème de ravitaillement. Le soir à la nuit nous allions au pied de la forêt chercher du ravitaillement vers la citerne. Les Allemands occupaient toujours Autrans. Vers le 15 Août nous avons appris le débarquement sur la côte méditerranéenne. Puis les Allemands ont quitté Autrans. Le 20 août nous sommes descendus pour attaquer les convois ennemis dans la plaine, nous sommes passés par le pas du Mortier sur Noyarey. Là nous avons appris que Grenoble était libéré. Le soir les gens du village sont venus nous trouver car le boulanger ne voulait pas leur donner de pain. Le chef Robert est allé parlementer avec le boulanger comme il n’a eu aucune réponse favorable Citron et moi avons distribué les pains. Nous demandions à chaque famille combien de personnes il y avait, nous faisions payer et nous avons ramassé les tickets. Cela ne s’est pas trop mal passé.

Les copains qui étaient restés dans les Coulmes nous ont rejoints. Ils n’étaient pas trop fatigués car ils étaient descendus en camion.

 

Le lendemain nous sommes allés à Saint Gervais. Nous avons cantonné sous le préau dans l’école. Nous ne sommes pas restés longtemps deux ou trois jours, ensuite nous sommes allés à la côte Saint André où nous avons logé à l’école supérieure des filles. Nous avons dormis dans des lits ce qui ne nous étaient pas arrivés depuis longtemps. Je pense que pour la rentrée des classes ils ont dû pas mal désinfecter car nous avions plus ou moins des poux.

 

Un jour on nous a dits que sur Beaurepaire il y avait quelques Allemands. Quand nous sommes arrivés dans la ville des miliciens nous ont tirés dessus. Puis des chars et des auto-mitrailleurs sont arrivés et nous avons été obligés de quitter la ville et avons pris position sur une colline à Saint Barthélémy à environ deux kilomètres de Beaurepaire. Tout à coup deux auto-mitrailleurs sont venus nous déloger, comme nous avions que des mitraillettes, nous avons quitté nos positions pour rejoindre un bois. Il fallait traverser toute une plaine, nous avons couru en ziz-zag pour rejoindre le bois. Nous avons eu beaucoup de chances nous n’avons eu aucun blessés. Nous avons passé la nuit dans le bois. Les Allemands ne sont restés que deux jours. La nuit des avions venaient les ravitailler. Certainement pour les divisions qui remontaient la vallée du Rhône.

 

A la nuit nous sommes revenus à Rives. Quelques jours ensuite nous sommes allés à Montrigaud où nous avons logé dans une école. Elle était toute pourrie. Les rats sortaient du plancher. Je ne sais pas si elle était désaffectée car je plains l’instituteur ou institutrice de faire la classe dans de pareils lieux.

 

Le deux septembre nous sommes montés à Venissieux. Le capitaine a dit de prendre la place dans sa voiture, car il montait à l’état major. Ce jour-là, j’ai bien cru ma dernière heure venue, car son chauffeur était un jeune un peu fou. Il pleuvait. Dans la forêt des Chambarans, il s’est mis sur deux roues pendant une bonne centaine de mètres. La voiture n’était pas des plus jeunes c’était une vielle Mathis.

 

Dans la nuit du trois septembre, nous avons été transportés à Lyon. Nous avons été affectés dans le quartier de Perrache. Tous les ponts de Lyon étaient en partie détruits, mais nous pouvions néanmoins circuler à pied. Deux sections sont parties pour nettoyer l’arrière de la gare ainsi que les voies de triages. Les wagons que les Allemands n’avaient pas pu faire partir avaient été incendiés. En partant de la gare nous faisions un parcours en forme de triangle. Nous pouvions voir les rideaux des fenêtres des rez-de-chaussée des immeubles bouger. Au bout du triangle nous avons croisé les deux autres sections. Quand nous sommes remontés de l’autre côté, les habitants des immeubles avaient ouvert grand leur fenêtre, et ils nous donnèrent à boire. Quand nous sommes entrés dans la gare, nous sommes allés dans les sous-sols où les Allemands avaient séjourné. Il y avait une odeur désagréable due en partie aux égouts qui étaient bouchés et aux cadavres des Allemands qui étaient aussi verts que leurs uniformes.

 

Ensuite nous avons cantonné à l’hôpital St Luc qui était tenu par des sœurs. Elles nous ont offerts de la Chartreuse. Dans cet hôpital il y avait des sœurs novices. Un coup il y a un gars qui dit tout fort :

« Il y a des jolies gonzesses ».

Du coup on ne les a plus revues, à part les vieilles.

 

L’après-midi trois miliciens, du toit de l’hôpital Dieu, ont tiré sur la foule. Alors les Américains leur ont tiré à la mitrailleuse et les balles traçantes ont mis le feu au dôme de l’hôpital Dieu.

 

Nous sommes restés quelques jours. Un soir un peloton de la garde républicaine qui soi-disant avait pris le maquis est rentré. Il a traversé Lyon pour rejoindre sa caserne sous les huées et les sifflets des lyonnais qui leur disait

« Vous auriez mieux de défendre nos ponts que de partir. »

 

Le 5 septembre 1944 nous avons défilé Place Bellecour avec l’armée du général de Lattre de Tassigny. Il paraît que nous étions quarante mille FFI. Il y avait aussi des FTP de l’armée secrète et divers groupes de corps-francs. Le général de Tassigny voulait que nous soyons incorporés dans son armée. Mais les chefs de la résistance Descort, Vallette d’Osia n’ont pas voulu car il fallait défendre la Frontière italienne. Il n’y a eu que les gars de Tivollet qui sont partis avec le 11ème cuirassier, du général Descour qui commandait le sud-est pendant l’occupation.

 

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10.  La Maurienne

1944-1945

 

 

 

 

Ensuite nous sommes revenus à Grenoble. Là beaucoup sont rentrés chez eux. Car là on nous a demandé de signer un engagement pour la durée de la guerre, plus trois mois. Je n'ai pas voulu continuer car j’en avais marre depuis le temps. Alors avec des copains nous sommes allés à la prévôté militaire. Comme la police et la gendarmerie avaient été désarmés nous faisions les flics, la garde dans les prisons …. La compagnie était bien diminuée mais elle était partie dans le Briançonnais à Cervières sur le col de l’Izoard. Puis un jour mon chef de camp qui était lieutenant vint me voir à Grenoble. Il me demande si mon boulot me plaisait. Je lui dis :

- « Tu sais faire le flic, ce n’est pas ma tasse de thé » .

 Il me dit :

- « Viens avec moi, je vais à l’école des cadres au château d’Uriage »

Je lui dis mais, tu sais je n’ai rien signé. Il me dit tu signeras plus tard. Alors comme un con je suis parti avec lui faire un stage de quinze jours à Uriage. Personne ne m’a fait signer d’engagement, mais j’avais donné ma parole. Alors je suis resté jusqu’à la fin de la guerre plus trois mois.

 

Ce château a eu une histoire. En 1940 le Commandant Du Noyer de Segonzac avait rassemblé pas mal de jeunes dans ce château. Beaucoup d’entre eux était dans les camps de jeunesse et montagne. Mais quand Vichy s’est aperçu qu’ils étaient plutôt contre le régime, il a dissout cette école au profit d’une école de la milice.  Néanmoins le propriétaire du château de Murinnais vers Saint Marcellin a continué cette école dans son château. Mais quelques temps plus tard les miliciens ont incendié son château.

 

Alors à la libération de Grenoble nous avons repris la place des miliciens à Uriage. L’école était dirigée par le colonel De Virieux.

 

 

L’école des cadres

 

A mon retour de l’école des cadres, le capitaine a cru me faire un honneur que de recevoir le fanion du 6ème BCA que Monsieur Dermesse avait gardé. Le fanion m’a été remis par le Colonel Valette d’Osia avec deux gardes du corps, Banisse et Jacques Ferré. Nous avons fait un tour dans Grenoble, moi qui n’ai jamais aimé la parade.

 

Quand notre séjour a été fini, la compagnie est revenue du briançonnais et a été reformée. Nous avons été regroupés à la caserne de Bonne et avons été équipés par les tenues de jeunesse de montagne qui avait une couleur bleu foncé. Mais c’était des tissus de guerre, ce n’était pas chaud. Nous devions faire avec nos souliers, heureusement pour moi je n’étais pas trop mal chaussé. J’avais une paire de chaussures de ski Emile-Allais qui venait d’un coup de main du temps du maquis.

 

Avant de monter en Maurienne, j’ai pris la garde à l’hôpital de la division ainsi qu’à l’hôpital militaire pour quarante-huit heures avec deux sergents et vingt-quatre hommes c’était pour la Toussaint. Car il y avait un pavillon de blessés allemands. Le lendemain un capitaine du service administratif me passe une engueulade pour me dire que mes hommes n’avaient aucun respect pour les blessés. La nuit ils les faisaient lever pour faire l’appel. Je n’étais pas au courant. Enfin je l’envoyais sur les roses. Car vu le costume qu’il avait sur le dos, il devait l’avoir sorti de la naphtaline. Les militaires qui étaient restés dans leur pantoufle on les appelait comme cela.

Le lendemain un sergent toujours du service administratif vient me voir pour me dire que le général Humbert Commandant la place venait à l’hôpital, pour rendre un hommage à un gendarme qui avait été tué par une Jeep américaine.

 

J’ai prévenu mes gars qui n’était pas de garde, qu’il fallait qu’ils restent au poste pour la venue du général. Car dès qu’ils avaient fini leur garde ils allaient jouer aux cartes dans un petit bistrot un peu plus loin du poste. Quand le général est venu tout s’est bien passé. Quand il est parti ils ont repris leurs habitudes.

 

Le 10 novembre 1944, nous avons quitté Grenoble pour la haute Maurienne avec des camions de l’armée d’Afrique. Les Allemands avaient fait sauter les voies ferrées et les ponts aussi pour passer l’Arc il y avait des radiers faits avec de la terre mis dans le fond de la rivière. Sur certains radiers il y avait de la neige aussi il fallait descendre du GMC pour lui faire remonter la pente. Nous sommes arrivés de nuit à Modane, pour prendre nos positions à Termignon, mais après Aussois, nous avons eu une tempête de neige avec un fort vent. Le commandant qui dirigeait le bataillon ne trouvait plus la route, car tout était blanc. Alors nous avons fait demi-tour vers Aussois. Nous avons cherché des granges pour se mettre à l’abri pour la nuit. Mais nous avons eu une surprise car les granges étaient déjà occupées par un groupe d’artilleurs de montagne de l’armée d’Afrique. Il y eut un moment de confusion, car ils ont cru que c’était une attaque des Allemands. Enfin nous avons passé la nuit à Aussois. Le lendemain matin il faisait un beau soleil. A quelques kilomètres de Trémignon nous avions de la neige jusqu’au genoux et aucun arbre pour nous cacher. Les Allemands avaient un poste d’observation au Mont Froid à plus de 2800 m d’altitude, mais comme ils devaient avoir froid ils devaient se camoufler au fond des trous alors tout s’est bien passé. Nous avons pris notre campement dans la commune. Deux sections ont pris la relève des gars qui occupaient les positions. C’était un bataillon du Rhône qui venait de Myons. Il y avait la position que l’on appelait le haricot à cause de sa forme sur la droite de la route de Lanslebourg. L’autre position était située sur une colline à une heure de Termignon par un sentier abrupt. Les deux autres sections et la compagnie d’accompagnement ont pris cantonnement dans le village qui était complètement évacué. De Termignon les villages Lanslebourg, Lanslevillard et jusqu’à Bessans qui était tenu par le 13ème BCA. C’était le no man’s land.

 

Comme ski nous avions ceux des Allemands, en hêtre large de vingt centimètres et qui étaient lourds. On aurait dit comme des forçats avec des chaînes aux pieds ? Quand nous faisions des patrouilles et que nous n’avions pas d’arrêt c’était très bien, mais il y avait des fois où nous étions en surveillance dans un ravin au pied du Mont Cenis pour protéger deux compagnies qui portaient du ravitaillement à dos d’homme à Bessans quand il ne pouvait pas approvisionner par le col de l’Iseran. Il fallait rester alors toute la nuit sur les skis sans parler sans fumer sans bouger. En arrivant au pied du Mont Cenis nous avions chaud et la nuit la température pouvait descendre à moins trente degrés, aussi nous languissions que les gars reviennent vite de Bessans.


 

 

En vacances ?


 

Nos équipements de jeunesse de montagne étaient avec des tissus de la guerre avec des poils de chien ou de chèvre. Quant au ravitaillement il venait de Modane. La camionnette n’était pas chauffée, les pommes de terre étaient complètement gelées. Elles avaient un goût de sucre et nous n’avions pas besoin de purge. Quand nous étions à la position du Coing et que le sentier était gelé la soupe arrivait à dos de mulet. Il n’y avait pas de marmite spéciale


pour  garder la chaleur, mais pot de lait qui avait été pris dans une ferme. Aussi la soupe était froide avec des morceaux de glaçons. Pour le pinard nous n’avions qu’à sucer la glace. Des jours nous avions moins de chance car le mulet passait dans le ravin, les pauvres bêtes n’étant pas ferrées pour la glace. C’était des bêtes magnifiques car aucune ne s’est cassée une patte.

 

Le PC de la section était dans une cabane en pierre en plein courant d’air. Le groupe prenait la surveillance dans des trous creusés dans le terrain car nous n’étions pas équipés pour supporter de pareilles températures. Seul le veilleur reste à l’extérieur. Avec le chef de section nous faisions des rondes toutes les vingt minutes. Souvent je me suis trouvé avec le guetteur, il ne me voyait pas il était figé sur place. On aurait dit une momie. Je le secouais un peu et je le faisais relever par un gars que j’allais chercher dans son trou. Dans leur trou il ne faisait pas très chaud. L’entrée était fermée par un sac.

 

Il y avait des gars qui avaient des souliers que même des clochards n’auraient pas voulu. Nous étions bien les cocus de l’armée française, de véritables clochards de la France. Je pense que si nous étions si mal équipés c’était de n’être pas rentré dans l’armée de Delattre de Tassigny à Lyon. Nous en payions les conséquences. Dans ma section j’avais  un gars qui avait un pantalon deux pièces, il avait récupéré une ceinture de flanelle que les paysans mettaient autour de leur taille pour le mal de reins lorsqu’ils fauchaient à la faux. Alors pour protéger sa quincaillerie du froid il se passait entrejambes puis il enfilait les jambes du pantalon qu’il faisait tenir avec des épingles de sûreté.

 

En janvier 1945, j’étais à la position du haricot, nous restions quatorze jours puis nous étions relevés par une autre section. Dans notre PC comme table nous avions un bidet portatif sur lequel nous avions mis une planche. C’était aussi notre table pour les repas. Après nos quatorze jours de poste, nous étions relevés vers cinq heures. Le capitaine me dit qu’il fallait que je remonte à la position du Coing, car il avait eu par téléphone le sergent-chef de la batterie d’artillerie qui se plaignait que le sergent Dobo n’était pas maître de ses gars. En effet les après-midi où il faisait soleil, ils faisaient du ski sur la pente qui était à découvert, et les Allemands leur envoyaient des obus. Il faut  dire que cette deuxième section avait perdu le lieutenant Trombert qui avait fait le maquis avec eux. Le lieutenant avait été envoyé faire un stage dans l’armée Delattre de Tassigny. Il avait été tué en Alsace. Quant au chef Dodo il avait été interné en Suisse et avait été libéré au bout de six mois. Je ne sais pas s’il avait fait de la résistance. Je suis reparti avec les muletiers qui montaient la soupe vers six heures du soir. Le chef d’artillerie commence à dire qu’il fallait que je prenne des sanctions … Je dis qu’il me foute la paix et que demain il ferait jour. Le lendemain après-midi il faisait très beau et voilà que trois lascars faisaient du ski. Je dis à la plus grande gueule s’il n’était pas un peu c.. . Il me répond, on rigole bien que l’armée d’Afrique à le trouillomètre à zéro. Je lui dis tout malin que tu es si un obus t’enlève la tête tu auras plutôt une drôle de gueule aussi tu rentres dans ton trou ou je t’y fais rentrer à coup de pied dans le cul. Je suis resté encore quatorze jours.

 

Cela faisait vingt-huit jours sans me changer ni me laver. Quand je suis revenu j’ai passé la nuit à faire chauffer une lessiveuse dans la cuisine et à me laver. Le lendemain je n’étais pas encore propre. J’avais cinq ou six jours de permission, il fallait que je prenne l’ambulance qui amenait des gars à l’hôpital militaire de Grenoble.

 

Nous étions de plus en plus mal équipés. La tenue de Jeunesse et Montagne était mal en point car c’était du matériel de guerre, nous n’avons jamais eu de paire de souliers. Nous avions plutôt l’air de clochards que des soldats de la république. (Pour information voir les deux tomes du Commandant Jean Mabire La bataille des Alpes 1944-1945 Aux Presses de la Cité.)

 

De temps en temps nous avions droit à du monte en ligne (appellation des anciens poilus de 14-18 pour désigner l’eau de vie). Elle n’était pas très appétissante car elle était stockée dans des fûts de vin il ne fallait pas trop regarder pour la boire. Heureusement il y avait le sergent chef Carazas qui était savoyard et était allé chercher une bonbonne en Savoie. Alors de retour de patrouille nous la faisions flamber et nous en buvions un plein quart chaud.

Pendant ma permission je me suis rendu compte que la population avait repris ses habitudes. La compagnie avait pour marraine les écoles communales d’Autrans ainsi que le lycée de filles Stendhal. Elles nous envoyaient des chaussettes, des cache-nez des bonnets qui avaient plusieurs couleurs car la laine provenait de vieux tricots qu’elles détricotaient. Parfois fois il y avait quelques friandises, mais la nourriture était toujours contingentée.

 

Au mois de mars je me suis cassé le péroné ainsi que la cheville. A l’infirmerie on m’a fait une infiltration pour passer la nuit. Le lendemain dans la matinée une ambulance est venue me chercher. Il faisait un soleil magnifique, mais au moment de me mettre dans l’ambulance, les Allemands nous ont tirés dessus à coup de canon. Tout le mode s’est mis à l’abri. Je suis resté sur le brancard. Je regardais passer les obus en me disant lequel sera  le bon ? L’ambulance m’a amené à l’hôpital complémentaire à Aix les Bains, dans un hôtel. Ces ambulances militaires n’étaient pas très douces, vous aviez toutes les tripes qui sautaient sur toutes les bosses de la route. Je suis resté à l’hosto jusqu’au dix avril environ. Je suis sorti avec sept jours de convalescence. J’avais la cheville qui me faisait un mal de chien surtout quand je posais le talon. Au bout des sept jours j’ai rejoins la compagnie qui avait été mis en repos pour une semaine à la Chapelle Blanche sur la route de Poncharra à la Rochette.

 

Le 25 ou 26 avril nous sommes retournés à Termignon. Le 27 avril au soir on nous a donné des vivres et nous sommes partis au col du mont Cenis. Nous sommes arrivés dans la nuit, il faisait un vent glacial. Nous nous sommes mis à l’abri dans ce qui restait de l’hospice. Pour casser la croûte j’avais monté deux gros pain de cinq kilogrammes. Quand je les ai ouverts, ils étaient pourris. Je les ai jetés. Tout autour de l’hospice il fallait faire très attention, les Allemands avaient mis des mines tout autour. Des mines antipersonnel chaque fois qu’il tombait de la neige ils en remettaient. C’était des petites boîtes en bois. Si l’on mettait le pied dessus cela faisait partir l’amorce.

 

Le 29 avril nous avons traversé le plateau du Mont Cenis pour descendre du côté italien. La route faisait trois lacets que l’ennemi avait fait sauter. De plus il avait miné les blocs de rochers. Nous sommes passés la première et la deuxième compagnie en faisant bien attention de ne pas touché au fil de fer. J’ai été obligé pour descendre de ne pas mettre le talon. Il fallait que je marche sur la pointe des pieds pour ne pas trop souffrir. Nous nous sommes dirigés sur Suze ensuite Bussoléno car nous devions marché sur Turin. Le soir où nous sommes arrivés à Bussoléno, la compagnie a été logée à la caserne des fascistes. Le responsable me demande s’il voulait qu’il nous fasse une soupe de riz mais qu’elle serait sans sel. Comme je n’avais pas cousu sur mon blouson mes trois galons de sergent-chef, j’avais fait un trou au milieu et passé avec le bouton de l’anorak, il m’appelait capitaine. Alors je lui ai signé le bon de réquisition pour la soupe. A la suite de cela d’autres partisans italiens m’ont fait signer pas mal de bon de réquisitions.

 

Je signais capitaine Fend-la-bise. Le lendemain le capitaine me désigne avec le sergent chef de la deuxième section pour aller préparer le campement à Condove. Je connaissais le sergent chef de cette section car nous avions été ensemble à l’école primaire. Nous voilà par un petit jour sur la route. En cours de route nous avons trouvé un laitier qui transportait son lait. Il avait une vieille petite camionnette, qui pétait, qui fumait, qui toussait, mais qui roulait tout de même. Nous sommes arrivés à un carrefour car Condove n’est pas sur la grande route mais à environ à un kilomètre. Au carrefour il y avait un partisan. Quand il vit mon copain il lui demanda ce qu’il faisait là, car ils avaient joué ensemble au rugby au Racing à Grenoble. Il y avait un bistrot au carrefour, alors vers six heures du matin à trois nous avons bu trois bouteilles d’Asti Rouge. Ensuite nous sommes allés jusqu’au village. Comme les Allemands étaient partis dans la nuit, les gars nous ont applaudis. Nous avons été reçus par le président du comité de libération. Il parlait très bien le français. Il me dit qu’il avait travaillé à la Croix Rouge dix ans pour une compagnie d’assurance. Nous avons pris un bon déjeuner avec le comité.

 

A Condove, il y avait une usine qui avant-guerre travaillait pour le tramway de Turin et qui depuis la guerre fabriquait des mines sous-marines. Nous avons fait préparer le cantonnement pour la compagnie. Les partisans ont fait charrier la paille par des ingénieurs fascistes. Mais le soir le capitaine a envoyé une estafette pour nous dire qu’il fallait que nous devions revenir à Bussolène que les alliés ne voulaient pas que nous entrions en Italie. Nous aurions dû rester sur les frontières de 1939. Avec Jacques nous sommes quand même restés deux jours à Condove. J’étais logé dans une belle maison, chez une dame âgée qui était veuve. J’ai eu pendant deux nuit une belle chambre avec un lit à baldaquins comme j’en avais vu dans des livres d’histoire. Aussi pendant deux nuits me suis-je pris pour Louis XIV. Le matin la dame m’apportais le déjeuner au lit avec des brioches.

 

Le troisième jour nous avons décidé de rejoindre la compagnie. Nous avons pris le train pour rentrer. Les Italiens avaient fait vite pour réparer provisoirement la ligne de chemin de fer. Les Allemands comme dans la vallée de la Maurienne avaient fait sauter tous les ponts sur la rivière Dora Riparia. Nous n’étions pas rassurés car les rails reposaient dur des carottes en bois et quand nous passions sur le pont le wagon baissait de trente à quarante centimètres.

 

J’ai retrouvé sur le cahier des Troupes de Montagne n°3 automne hiver 95 les tractations qui s’étaient déroulées entre les alliés, les généraux De Gaulle et Doyen commandait l’armée des Alpes sur cette décision.

 

 

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11.  L’armistice

1945

 

 

 

 

Nous sommes restés quelques temps à Bussolèno où nous avons appris l’armistice du 8 mai 1945.

 

Puis nous sommes rentrés en France. La 1ère compagnie a été dirigée sur Chamonix, le reste du bataillon sur Briançon. Nous étions à Chamonix pour faire régner l’ordre car il y avait eu des élections municipales qui s’étaient mal passées. Il y avait eu des urnes qui avait été brûlées. Le service auto m’avait donné une camionnette avec un chauffeur pour faire le ravitaillement de ma compagnie. Mon chauffeur avait bien cinquante cinq ans. Il avait rejoint le Vercors avec sa camionnette. Elle appartenait à la société de limonade Sadoux de Grenoble. Quand nous sommes arrivés à Chamonix, le capitaine Bordenave me dit qu’il serait bien resté dans l’armée mais comme il avait été rétrogradé d’un galon, il préférait monter à Paris au ministère des colonies car il avait fait l’école des colonies. Il me dit que nos allions avoir un nouveau capitaine.

 

En effet un soir un capitaine nous rassemble et nous dit que le lendemain il nous donnerait des instructions. Le lendemain nous n’avons pas revu le capitaine. Des gars nous ont dits qu’il avait une gonzesse alors qu’il a dû roucouler. On ne l’a jamais revu. Le capitaine Bordenave est revenu en juin.

 

Heureusement qu’il y a eu le lieutenant Clément qui s’est occupé de la compagnie quand l’armée a été dissoute. Il était rentré à Jeunesse et Montagne. Il m’avait demandé de m’occuper du ravitaillement. Avec mon chauffeur, nous allions tous les deux ou trois jours à Albertville à cet effet. Les gars de l’intendance étaient chics. Ils me demandaient si je voulais du pain américain ou de la farine blanche que nous n’avions pas vue depuis longtemps. J’ai pris la farine et je me suis arrangé avec un boulanger de Chamonix qui me faisait le pain.

 

Nous avions à la compagnie, le sergent chef comptable. Il fallait lui rendre compte à un sous près. Nous l’avions surnommé Pinocchio.

 

Le lieutenant Clément disait qu’il fallait occuper les gars toute la journée, sinon ils traînaient dans Chamonix surtout avec les filles. Un soir il devait être une heure du matin, j’arrivais au cantonnement dans un petit hôtel qui avait appartenu à un collabo italien qui avait fuit. Arrivée à l’hôtel je vis le fusil du gars de garde posé contre une murette, et en contrebas quatre jambes qui sortaient de la pèlerine. Je lui ai dit de ne pas laisser tomber son fusil. Je suis rentré au cantonnement. J’étais seul.

 

Le lieutenant Clément me dit qu’il avait trouvé un guide Camille Tournier, mais que Pinocchio n’était pas très généreux pour le payer. Je dis que l’on pourrait se débrouiller. Pour la cuisine on avait droit à du bois que je prenais à la scierie. J’avais acheté un petit bloc que la scierie me tamponnait et qui me servait de facture. Nous avions vu en montant du Fayet à Chamonix des tas de bois le long de la route. Pendant que le chauffeur faisait semblant de regarder dans le moteur, on a chargé du bois. Au bistrot nous avons fait la facture, que nous nous faisions rembourser par la suite par Pinocchio. Cela permettait de payer le guide. Les gars faisaient de l’escalade, le guide sur le sommet du rocher assuré de trois gars qui montaient tout en assurant la descente de quatre ou cinq hommes.

 

Nous voulions faire le Mont-Blanc, il nous a dits qu’il fallait deux jours de beau temps. Même s’il y avait une belle journée il regardait le vent sur les crêtes et nous disait que le beau temps ne durerait pas deux jours. Chamonix était un lieu de repos pour les Américains qui venaient d’Allemagne à tour de rôle et changeaient toutes les semaines.

 

Un jour quelques gars de la section ont été désignés pour faire une garde d’honneur aux anciens du corps expéditionnaire en Norvège, au Palais d’hiver à Lyon, aussi la fanfare du 6ème BCA était venue à Chamonix. Les Américains occupaient les plus beaux hôtels. La veille de partir pour Lyon ils avaient décidé de faire un réveil « en fanfare » aux GI. A une heure du matin dans le hall de l’hôtel la fanfare s’est mise à jouer. Avec la forte résonance ils ont été réveillés. Mais les ricains n’ont pas très appréciés ce réveil. Ils ont mis une mitrailleuse en batterie. Nous, nous avons fait un repli stratégique.

 

Nous sommes restés deux ou trois jours à Lyon. Pendant ce temps les gars qui étaient restés à Chamonix ont fait le Mont-Blanc.

 

Nous sommes revenus à Chamonix quelques jours. Le capitaine Bordenave avait repris le commandement de la compagnie. Comme les nouvelles élections avaient eu lieu sans incident, nous sommes partis à Montgenèvre, pour garder la frontière, car il n’y avait pas de douaniers. Le côté italien était gardé par des sud-africains. Ils étaient à Clavière. Nous sommes restés jusqu’à fin juin quand les douanes et la gendarmerie ont repris leurs postes.

 

Début juillet nous avons cantonné quelques jours dans une caserne à Briançon. Nous sommes revenus à Grenoble pour la cérémonie du 21 juillet à Vassieux. Le général de Gaulle devait venir. Aussi de bonne heure nous sommes montés dans le Vercors. Ce n’est pas de Gaulle qui est venu, mais Georges Bidaux. Moi qui n’aimais pas la parade, j’étais porte-fanion du 6ème BCA. Nous étions aux baraques en plein soleil contre les roches qui sortent « des Grands Goulets ». Mes deux compagnons étaient Jacques Ferri et Banigens. Nous sommes restés deux heures à attendre le ministre qui venait de l’aérodrome de Chabeil. Ensuite nous sommes retournés à Briançon.

 

Puis nous sommes partis dans le Jura. Nous étions cantonnés dans un petit bled qui s’appelait Lalajois pas loin de Dôle. Le bataillon devait partir en occupation en Autriche le 27 août 1945. Mon engagement sur parole se terminait exactement ce jour là. Je voulais faire un petit tour en Autriche, une huitaine de jours, mais le commandant voulait que je m’engage pour trois mois. Comme je ne voulais pas, car des gars étaient partis en Indochine. Alors j’ai été démobilisé le 25 août 1945. Le capitaine Bordenave s’est fait aussi démobiliser pour rejoindre un poste d’administrateur au Togo.

 

En résumé cette armée de cocus de la république qui était formé du maquis, des groupes Francs des FTP, ainsi que des jeunes qui s’étaient engagés à la libération, sans formation, qui n’ont jamais vu une mitraillette, tous ces va nus pieds on quand même fait leur boulot durant l’hiver 1944-1945. Ce qui a permis d’être l’embryon des bataillons des chasseurs alpins.

 

 

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12. Le retour au civil

1945-1951

 

 

 

 

Du mois d’août j’avais un peu d’argent. J’ai voulu profiter un peu de la vie. Mais quand est arrivé la fin octobre, les doublures se touchaient. J’ai cherché du boulot, je suis rentré chez Merlin-Gérin.

 

Je me suis marié en 1949 avec Josette Gravier qui était institutrice remplaçante. En 1949 elle avait été nommée pour une année aux Cottaves, un hameau de Saint Pierre de Chartreuse. Je travaillais à Grenoble. Comme il n’y avait aucun ravitaillement, il fallait que le dimanche je me rende aux Cottaves avec mon sac à dos. Comme il n’y avait pas de service de car le dimanche je montais en vélo par le Col de Porte.

 

La saison scolaire 1950-1951, ma femme a fait un stage à l’école normale de filles pour une année. En 1950 j’ai passé le permis de conduire. On avait fait des économies pour acheter une moto et on a eu une occasion d’acheter une voiture. C’était une 202 Peugeot.

 

La saison 1951-1952 elle a été nommée à Marcilloles à environ cinquante kilomètres de Grenoble. En janvier 1952, mon fils Alain est né, et ma femme a été titularisée cette année là. Le samedi après-midi je me rendais à Marcilloles, car à l’époque on travaillait de 6h du matin 18 heures ainsi que le samedi matin.

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13.  Mont Saint Martin

1952-1960

 

 

 

 

Pour la rentrée scolaire 1952-1953, ma femme a eu un poste à quinze kilomètres de Grenoble à Mont Saint Martin. C’est un petit village sur le contrefort de la Chartreuse que l’on atteint en empruntant une petite route de montagne.

 

Monsieur Terpant le maire ce cette petite commune venait juste d’être élu, car il y avait eu de nouvelles élections. Il ne restait pas au village mais au Fontanil au pied de la montée. Nous nous sommes très vite rendus compte qu’il y avait deux clans dans ce village et qu’il ressemblait un peu à Clochemerle. (Histoire d’un village du Beaujolais écrite par Gabriel Chevallier (1895-1969), parue en 1934.)

 

Au mois de septembre nous sommes allés ma femme et moi voir le maire. Il avait une salle à manger, avec un piano et des fauteuils en cuir sur lesquels pour s’asseoir il fallait enlever les crottes de poule qui occupaient la salle à manger comme tout le monde.

 

La première chose qu’il a voulu c’est que ma femme fasse la secrétaire de mairie, car tout le monde avait démissionné.

 

Quand nous avons voulu nous installer dans l’appartement de fonction nous sous sommes aperçus qu’il était plutôt en mauvais état. Nous pouvions voir les étoiles à travers le toit, il n’y avait pas l’eau courante que nous étions obligés d’aller prendre chez les voisins et comme évier un tout petit bac en émail. Quant à l’écoulement c’était une chambre à air de vélo qui servait de tuyau. Il faut dire que l’institutrice d’avant Madame Aribat n’avait jamais habité ce logement de fonction qui était donc resté plusieurs années inoccupé. 

 

Madame Aribat faisait tous les jours le voyage depuis Fontaine ou elle habitait, car elle faisait beaucoup de politique. C’était une véritable passionnée. Pour monter à Mont Saint Martin elle faisait du stop. Comme il n’y avait pas beaucoup de voitures, elle commençait sa classe à son heure. Quand elle arrivait dans la commune pour appeler les enfants elle sonnait du corne comme pour faire rentrer les vaches.

 

Le maire avait toujours des idées farfelues. Il voulait que l’on mette sa mairie dans la chambre qui était la seule grande pièce convenable. Aussi un samedi, comme la cure était grande, un cinq pièces avec une bibliothèque qui avait une entrée indépendante, j’ai pris la brouette et j’ai tout déménagé les affaires de la mairie. Quand il est venu je lui ai dit tout est à la cure. Il n’a rien dit.

 

Un jour je m’appuyais sur une cloison. Je dis à ma femme tu sais cette cloison bouge. Elle me dit tu vois tout mal. Quelques jours plus tard elle me téléphone au travail. Il y avait eu un orage, la fenêtre s’était ouverte, toutes les vitres avaient été cassées et la cloison fendue du haut en bas. Alors il a bien fallu que le maire se décide à nous faire habiter la cure, pendant qu’il ferait faire les travaux à l’école.

 

Au mois de mars nous étions couchés lorsque vers minuit quelqu’un vint frapper aux volets. C’était Monsieur Bousia un sergent chef aviateur qui habitait les maisons du haut. Il me dit  qu'il fallait descendre sa femme Madame Ficker à la clinique pour accoucher, qu’il ne peut pas descendre car il doit garder les gosses. Alors je suis monté chercher sa femme. En arrivant vers les maisons je tombe sur Monsieur Marchand qui me demande ce que je fais. Je lui dis que je viens chercher la femme de l’aviateur pour l’amener accoucher. Et je lui demande à mon tour ce qu’il fait également à cette heure. Il me répond qu’il attend qu’il a une vache sur le point de vêler.

 

En descendant elle commençait à avoir des douleurs. Elle se tordait dans la voiture. Lorsque nous arrivons enfin à la clinique je me suis fait engueuler comme quoi j’aurai dû l’amener plus tôt. Je leur ai dit que ce n’était pas ma femme, que je n’étais que le transporteur.

 

Je suis rentré à la maison. Pour ne pas réveiller mon fils je me suis déshabillé dans la cuisine. En entrant dans la chambre ma femme m’a demandé si j’étais monté prévenir que j’avais fait le nécessaire. Alors je me suis rhabillé sur mon pyjama et je suis remonté au village d’en haut. Quand j’arrive devant chez lui à travers la porte j’entends qu’il ronflait comme une escadrille. Après l’avoir réveillé il me demande la gueule toute enfarinée si tout s’est bien passé. Je lui dit que j’avais rendu le colis à bon port mais que je n’avais pas assisté à la séance.

 

Cet aviateur était un champion. Pour faire le feu dans sa cheminée, il ne coupait pas le bois. Si le morceau était trop long il ouvrait la fenêtre pour qu’il puisse dépasser.

 

Dans ce village comme je l’ai déjà dit il y avait deux clans et deux cafés. Ceux qui avaient fait refaire les élections pensaient qu’ils pourraient gérer la commune. Comme le maire restait au Fontanil, ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient. Mais Monsieur Terpant voulait faire voir que c’était lui le chef. Quelques mois plus tard, avec Monsieur Marchand qui était premier adjoint et le maire se sont disputés. Monsieur Marchand voulait lui couper la tête. Tout cela s’est terminé au tribunal. Monsieur Marchand a été condamné à 20.000 F d’amende.

 

Un soir nous avons eu la visite des gendarmes pour l’enquête. Mon fils était très lent pour manger sa soupe. Ce soir là il s’est retrouvé avec un gendarme de chaque côté. De ce fait il levait la tête et avalait sa cuillère de soupe. Il n’a jamais mangé aussi vite.

 

L’appartement de l’école avait été enfin réparé. Monsieur Giraud avait autorisé à prendre de l’eau sur sa conduite avec une pompe Japy.

 

 

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14. Epilogue

1960 à nos jours

 

 

 

 

Plus tard dans les années 1970, des hippies qui se disaient écolos sont venus s’installer. Quelques uns sont partis d’autres ont repris une activité et une vie normales. Cela à fait un nouveau clan et cela perdure encore aujourd’hui

 

 

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15. Remerciements

 

 

 

 

Il faut que je remercie les gens du Vercors qui nous ont reçu lorsque le gouvernement de Vichy nous prenait pour des terroristes.

 

A Méaudre

 

Léon Vincent Martin

Marcel Rochas

Marcel Reppelin

Buissons

Sublet

Valentine

Et Marie-Louise qui était secrétaire de Miarie

 

A Autrans

 

Madame Bernard

Madame Barnier

Madame Arnaud

Les frères Reppelin

Les frères Fayollat

Les frères Jarrand Lucien et Jules qui ont été fusillés au camp du Polygone.


 

 


1.  Ma naissance           1915

                           

2.  Mon enfance             1915-1929

 

3.  Le service militaire    1936-1939

 

4.  La guerre                 1939-1940

 

5.  La déroute                1940

 

6.  La démobilisation     1940

 

7.  L’occupation            1940-1943

 

8.  Le maquis                 1943

 

9.  Le maquis                 1944

 

10. La Maurienne                   1944-1945

 

11. L’armistice              1945

 

12. Le retour au civil     1945-1951

 

13. Mont Saint Martin   1952-1960

 

14. Epilogue                  1960-à nos jours

 

15. Remerciements